Les produits structurés ne connaissent pas la crise ! « Le volume d’émissions a été multiplié par 2 en France ces dernières années, passant de 16 milliards d’euros en 2020 à 30 milliards d’euros en 2023.
Mais qu’est-ce qui rend ces instruments financiers si populaires ?
Vous en avez peut-être déjà entendu parler ? Votre banquier vous l’a même peut-être déjà proposé en le présentant comme le produit parfait pour s’exposer aux marchés financiers tout en bénéficiant d’une protection sur votre capital ? Souvent, un gros rendement est affiché, par exemple 10 % de coupon par an avec en plus une protection du capital.
La promesse semble alléchante. Ces solutions paraissent magiques — « pile je gagne, face je ne perds pas » — sont faciles à vendre et rencontrent donc naturellement un grand succès auprès des clients.
Mais savez-vous vraiment ce qu’est un produit structuré ? Comment fonctionnent-ils ?
Qu’est-ce qu’un produit structuré ?
L’origine des produits structurés remonte aux années 1990 avec les « fonds à formule ».
Ces fonds permettaient de profiter du potentiel de hausse de la Bourse avec une protection en cas de baisse.
Un produit structuré est un placement permettant d’investir sur une large palette de sous-jacents : actions, taux, devises, indices, etc. Autrement dit, il permet de « miser » sur l’évolution du sous-jacent choisi.
Ils offrent au client une rémunération très souvent fixée à l’avance, le préservant ainsi en partie du risque de marché inhérent à un produit financier standard.
Il existe des produits structurés pour toutes les sensibilités, avec notamment :
- des produits à capital garanti ;
- des produits à capital protégé anticipant la baisse ou la stabilité ;
- des produits à capital protégé anticipant une hausse ;
- des produits à effet de levier.
Ces derniers peuvent être construits de multiples façons, mais présentent les points communs suivants :
- un sous-jacent qui est l’actif de référence (actions, indices, taux d’intérêt, matières premières, devises, fonds, etc.) comme l’indice EuroStoxx50 sur 50 actions européennes ;
- un rendement fixé et connu à l’avance (des coupons), par exemple 10 % par an ;
- une protection partielle ou totale du capital (barrière de protection), par exemple un capital garanti à 100 % ;
- une durée limitée dans le temps (en général entre 5 à 12 ans) ;
- une date de constatation qui correspond à la fréquence de vérification des conditions fixées (je vous en reparle plus tard, car il existe plusieurs scénarios possibles).
Comment investir dans des produits structurés ?
Présenté de cette manière, le produit structuré est facile à comprendre et très avantageux pour l’investisseur. Cependant, en réalité, c’est un produit complexe et sophistiqué, souvent mal compris par les investisseurs.
On trouve ce type de produit partout :
- en banque de détail (les agences bancaires physiques, au coin de chaque rue) ;
- en banque privée ;
- en gestion de fortune ;
- dans les cabinets de gestion de patrimoine traditionnels ;
- chez les compagnies d’assurances.
De plus, il peut être logé presque partout : compte-titres, assurance-vie, PEA et PER.
Les banques aiment mettre en avant les produits structurés, car leur marketing est très facile : « s’exposer au marché actions tout en ayant une protection partielle ou totale du capital ».
Par exemple, un investisseur qui place 10 000 € le premier jour est assuré par l’émetteur de récupérer son capital initial (totalement ou partiellement, en fonction de la protection choisie) à l’échéance.
En banque « classique », vous ne trouverez que des produits structurés « standard » : vous n’aurez le choix ni du sous-jacent ni du niveau de protection du capital. Tout est déjà prédéfini et industrialisé pour vendre ces produits à toute sorte de clients particuliers.
En revanche, il existe aussi des produits structurés modulables, souvent réservés aux banques privées et à la gestion de fortune, avec un ticket d’entrée important (en moyenne 1 million d’euros). Dans ce cas, l’investisseur peut demander à sa banque une construction sur mesure du produit structuré, incluant le choix du sous-jacent et le niveau de protection du capital souhaité, la durée, etc.
C’est un gros business pour les banques et l’industrie financière en général, avec des marges très importantes.
Pourquoi les produits structurés posent problème ?
Dans cet article, je vous propose de prendre un exemple concret et de l’analyser au fur et à mesure. Imaginons que le 1er janvier 2023, votre banquier vous propose d’investir dans un produit structuré avec les caractéristiques suivantes :
- 4,5 % de rendement annuel ;
- une protection totale du capital, même si le sous-jacent fait -100 % (évidemment, il y a une corrélation directe entre la protection du capital offerte par le produit et le rendement attendu. Un produit structuré avec une garantie de capital de 100 % aura un rendement bien inférieur à un produit structuré avec une garantie de capital de 50 %) ;
- une durée maximale de 10 ans ;
- une date de constatation annuelle à partir de 2026.
Exposé comme ça, 4,5 % par an de coupon avec capital garanti, ça peut sembler très attrayant, mais en fait, il existe plusieurs problèmes avec les produits structurés.
1. Le rendement est fixe
Peu importe la performance de l’indice (+30 %, +40 %, +50 %), vous n’aurez jamais plus que le rendement fixé au début (+ 4,5 %). Par conséquent, un produit structuré protège votre capital contre une forte chute, mais empêche aussi de l’autre côté votre capital de grossir en cas de forte performance de l’indice. Vous avez un plancher de protection, mais aussi un plafond de performance.
2. L’indice est opaque, peu connu, exotique
L’indice sous-jacent est le Solactive Transatlantic Biodiversity Screened 150 CW Decrement 50 Index, vous voyez déjà qu’on rentre dans la complexité avec un indice vraiment pas commun, qui peut perdre le client.
L’indice sélectionne les plus grandes capitalisations boursières américaines et européennes ayant fait l’objet d’un volume d’échange quotidien moyen supérieur à 5 millions d’euros au cours des 3 derniers mois. Il applique aussi un filtre basé sur des critères environnementaux, sociaux, et de gouvernance (ESG) afin de ne retenir que les entreprises ayant les meilleurs scores d’impact sur la biodiversité.
3. L’indice est biaisé
Tous les ans, l’indice se voit retrancher arbitrairement 50 points par an. En prenant l’indice au départ à 800 points, retrancher 50 points revient à enlever 6,25 % de performance par an. C’est énorme ! L’indice est arbitrairement biaisé pour l’orienter vers une sous-performance.
4. Le rendement annoncé est faux
Quand on parle de rendement en Bourse, il inclut l’idée que les plus-values sont réinvesties et qu’on profite des intérêts composés. C’est le rendement actuariel, ou autrement dit, c’est la performance annualisée, comme avec les actions américaines du S&P 500 qui ont fait +10 % par an sur les 100 dernières années.
Dans ce produit, nous n’avons pas ça. Le produit structuré n’est pas un produit capitalisant, donc aucun réinvestissement des plus-values. Les coupons sont reçus uniquement à la fin du produit,
Le rendement réel annualisé, le TRI, se calcule facilement. Par exemple, vous investissez 10 000 € l’année 0, et vous percevez 45 % de performance l’année 10, soit 14 500 €. La fonction TRI sur Excel vous donne non pas 4,5 % par an, mais de 3,79 % par an.
En réalité, il est exactement de 3,76 % par an à cause d’un léger décalage temporel. En effet, le produit est en réalité sur 10 ans et 5 mois.
5. Le TRI est brut
Le vrai TRI à 3,76 % mentionné n’est encore pas le bon. Il manque les frais d’entrée, éventuellement les frais d’enveloppe de l’assurance-vie, et bien sûr la fiscalité et les prélèvements sociaux.
Ces derniers restent très importants ! Les frais d’entrée représentent 6,1 % ! Soit 605 € pour un investissement de 10 000 €. C’est énorme parce que ça vient dégrader directement ensuite votre performance. Si on reprend le TRI, dans le meilleur des scénarios, vous ne pourrez gagner que 3,13 % de performance annuelle en prenant en compte ces frais.
Au passage, vous paierez aussi des frais de sortie de 0,5 %, soit 50 €, si vous souhaitez sortir de manière anticipée.
De quoi se composent les produits structurés ?
Le produit structuré porte bien son nom, il est appelé produit structuré, car il est construit en 2 parties :
- la composante obligataire ;
- la composante optionnelle, qui utilise donc les options qui sont des produits financiers complexes si vous n’en avez jamais touché.
La composante obligataire (c’est-à-dire tout simplement une obligation), représente 85 % à 95 % du produit structuré. Il s’agit d’une obligation 0 coupon, c’est-à-dire une obligation qui ne verse pas de coupon et qui en contrepartie est achetée avec une décote (acquise par exemple à 80, mais qui à maturité vaudra 100) qui correspond aux coupons non versés. C’est cette partie-là du produit, qui permet de fournir la protection du capital à l’investisseur.
Cerise sur le gâteau : en règle générale cette obligation appartient à l’émetteur
Par exemple, si vous achetez un produit structuré chez la Société Générale, alors il sera composé de 85/95 % d’obligation de… la Société Générale. C’est donc un double bénéfice pour la société émettrice.
Les produits structurés sont-ils rentables ?
Comme je vous le précisais au début de cet article, il existe plusieurs scénarios possibles. Selon le cas, l’investisseur va plus ou moins gagner. Je devrais d’ailleurs dire : va plus ou moins perdre…
Nous prenons comme base et point de départ 800 points pour l’indice sous-jacent du produit structuré. La 1re date de constatation est le 1er janvier 2026. Si la valeur de l’indice est inférieure à 800 points, alors le produit structuré continue, jusqu’à la prochaine période de constatation (le 1er janvier 2027), et pour l’instant l’investisseur n’a rien gagné.
En revanche, dès qu’à une date de constatation, la valeur de l’indice est supérieure ou égale à 800 points, alors le capital initial est remboursé à 100 % et un gain de 4,5 % brut par an écoulé est versé.
Le cas défavorable pour l’investisseur est le suivant : le produit va jusqu’à son échéance sans que jamais l’indice ne dépasse les 800 points. Alors, en 2033 le produit se clôture et vous êtes remboursé de votre capital, vous n’avez strictement rien gagné !
Pire, vous avez perdu :
- les frais de gestion de l’assurance-vie (0,96 % par an et 3 % de frais de versement pour l’assurance-vie Société Générale) ;
- et vous venez surtout de perdre 10 ans de votre vie, à investir sur un mauvais produit.
Évidemment, il peut y avoir un cas favorable. Par exemple, l’indice ne fait que baisser les 9 premières années et à la dernière date de constatation prévue le 1er janvier 2033, l’indice dépasse les 800 points.
À ce moment-là uniquement, le produit se clôture, vous êtes remboursé de votre capital et vous recevez tous les coupons des années précédentes (10 coupons au total, chaque coupon à 4,5 % brut), soit un TRI de 3,76 % brut de nouveau comme nous l’avons vu plus haut. C’est le seul scénario où on peut obtenir le coupon annoncé de +45 %.
Un autre cas peut être favorable pour le client, le cas du remboursement anticipé.
Par exemple, les 2 premières années, l’indice est baissier. À la 3e année, à la date de constatation du 1er janvier 2026, l’indice atteint par exemple 1 000 points (soit +25 % de plus par rapport à sa base de 800 points).
Conséquence : le produit se clôture, vous êtes remboursé de votre capital et vous recevez 1 coupon par année écoulée (3 coupons, chacun de 4,5 %, soit 13,5 % brut). Évidemment, vous ne profitez pas alors de l’indice qui fait +25 %, mais seulement des coupons bruts, puisque votre gain est plafonné.
Petit rappel, c’est un coupon 4,5 % brut. En allant chercher le DIC du produit qui est annualisé et prend en compte les frais, voici en fait les résultats des différents scénarios :
Dans le meilleur scénario, vous venez en fait de générer seulement 2,5 % par an (hors fiscalité et frais d’enveloppe si le produit est logé dans une assurance vie). En prenant en compte les frais de gestion d’une assurance-vie, en général autour de 0,7 % par an, on tomberait autour de 1,8 % par an, presque 2 fois moins qu’un simple livret A, qu’un bon fonds euros ou que l’€STER actuellement.
Quels sont les risques liés aux produits structurés ?
En plus des 5 problèmes précédemment décrits et de cette performance très médiocre, les produits structurés présentent plusieurs autres limites importantes.
Le risque de perte en capital
Si vous souhaitez retirer votre argent en cours de vie du produit, votre capital n’est alors aucunement protégé. Souvenez-vous, la protection du capital ne marche qu’à l’échéance finale du produit (très souvent 10 ans).
Le risque de défaut de paiement de l’émetteur
Généralement, l’émetteur est un établissement bancaire, c’est un risque qui peut être limité, mais qui existe. Un défaut de paiement pourrait entraîner une perte totale ou partielle de l’investissement.
Le risque de payer des frais trop importants
De plus, comme nous l’avons vu, il existe des frais souvent peu transparents pour le souscripteur. Le rendement brut devient un TRI net largement inférieur à ce qui est annoncé de prime abord. Il faut ajouter à cela éventuellement la fiscalité, les frais de souscription, les frais du contrat d’assurance-vie, etc.
Le risque de ne pas profiter pleinement de la performance du sous-jacent
D’autre part, le rendement des produits structurés est évidemment fixe et plafonné, ce qui signifie que l’investisseur ne profite pas pleinement de la performance du sous-jacent. Si l’indice sous-jacent affiche une performance de +25 %, vous n’aurez jamais plus que le rendement prévu au début.
Par ailleurs, bien que l’investisseur connaisse la durée maximale du produit, il ignore combien de temps son épargne sera réellement investie : 3 ans, 5 ans, 9 ans, 10 ans ? Le produit structuré peut en effet se clôturer en fin de vie, mais peut aussi se clôturer en cours de route.
Dernier point, mais non le moindre, un produit structuré n’est pas un produit capitalisant, impossible d’avoir des intérêts composés.
L’AMF a également étudié le sujet, dans leur rapport d’une trentaine de pages.
Dans leur échantillon de 6 217 produits structurés commercialisés, « moins de la moitié des produits de l’échantillon (47 %) surperforment un fonds répliquant le CAC 40, voire moins du quart (22 %) si l’on tient compte des dividendes réinvestis. »
Autrement dit, en tenant compte des dividendes, 78 % des produits structurés ont sous-performé (on parle ici brut de frais). Les frais étant élevés, je pense que c’est bien plus de 80 % des produits structurés qui sous-performent, avec souvent des produits qui échouent complètement à amener une vraie performance par rapport à un taux sans risque.
L’AMF arrive donc à la conclusion suivante : « S’agissant des performances brutes des produits structurés, elles sont très largement positives dans la plupart des cas, y compris lorsqu’elles sont corrigées de l’inflation (le rapport date de 2020, donc l’inflation était encore très faible). En revanche, ces produits apparaissent comme relativement peu performants, comparés à des investissements boursiers traditionnels (investissement en actions ou obligations). Enfin, les produits les plus complexes sont les moins performants »
En bref, frais élevés, sur-intermédiation, opacité, complexité, absence d’intérêts composés, facile à vendre : vous l’aurez compris, les produits structurés sont de très bons produits, si vous êtes la banque ! Pour nous, investisseurs, ce sont généralement des produits à fuir.
Dans ma réflexion, il faut également considérer « le coût d’opportunité » : En allouant des fonds à ces produits, vous renoncez à d’autres options potentiellement plus lucratives. La perte est d’autant plus importante si pendant 10 ans votre produit structuré vous a fait payer des frais sans rien rapporter, alors que dans le même, une bonne allocation de capital aurait été très profitable.
Chez S’investir Conseil, le cabinet de conseil en gestion de patrimoine que j’ai fondé avec mes associés, nous adoptons évidemment une approche à l’opposée. Nous ne vendons pas de produits en fonction des commissions ou des marges bénéficiaires. Nous travaillons au contraire en architecture ouverte en sélectionnant parmi tout le marché les meilleurs produits et les meilleures solutions pour nos clients, que nous utilisons d’ailleurs très souvent nous-mêmes, garantissant ainsi que nos conseils sont alignés avec les intérêts de nos clients. Si vous souhaitez découvrir notre cabinet, il vous suffit de cliquer sur l’onglet ci-dessous.
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