La donation entre époux, également appelée donation au dernier vivant, fait partie des outils de planification de la transmission du patrimoine. Il s’agit d’un ensemble de mécanismes qui permettent d’organiser la protection du conjoint survivant au moment du décès de l’un des 2 époux. Cette donation du vivant n'est possible que dans le cadre du mariage. Il s’agit d’une forme de donation largement personnalisable, qui peut vous permettre d’adapter selon vos besoins et votre situation personnelle la transmission d’éléments financiers et/ou immobiliers.
Souvent mal comprise, la question de cette donation entre époux peut aussi parfois être le sujet de crispation : il n’est jamais agréable de parler du pire. Pourtant, avec une bonne gestion de la transmission du patrimoine familial, il est possible d’assurer la sécurité financière du conjoint survivant, des éventuels enfants, et notamment de jouer sur la fiscalité (frais de succession) due.
Pourquoi faire une donation entre époux ?
La donation entre époux permet d'augmenter significativement la part d'héritage du conjoint survivant. Les droits successoraux peuvent ainsi aller au-delà de ce que prévoit la loi, en offrant au conjoint survivant des options plus étendues lors du décès de son époux.
Le mariage offre le cadre juridique le plus protecteur avec la donation au dernier vivant, que vous pouvez utiliser pour choisir finement comment les choses vont s'organiser. Le PACS, lui, nécessite des dispositions complémentaires (testament) tandis que le concubinage n'offre aucune protection automatique. SI vous voulez en savoir plus et notamment avoir des informations pour choisir entre mariage ou PACS, j'ai déjà abordé cette question dans un guide complet.
Du point de vue fiscal, la donation entre époux bénéficie d'un régime avantageux. Le conjoint survivant est totalement exonéré de droits de succession, et ce, quel que soit le montant transmis. Cette exonération s'applique aussi bien aux biens immobiliers qu'aux biens mobiliers, comptes bancaires et assurances-vie.
L'intérêt de la donation entre époux varie selon la composition de la famille et les objectifs du couple. Voici un aperçu des conséquences sur la transmission du patrimoine avec et sans donation entre époux. Je vous propose ensuite le détail des options que vous pouvez mettre en place pour retrouver ces différents cas de figure.
En présence d'enfants communs uniquement
Sans donation, le conjoint survivant dispose de 2 options limitées :
- recevoir l'usufruit total des biens ;
- hériter d'1/4 des biens en pleine propriété.
Avec une donation entre époux, ses droits s'étendent à 3 possibilités :
- l'usufruit de tous les biens (usage et revenus) ;
- 1/4 en pleine propriété et 3/4 en usufruit ;
- la quotité disponible en pleine propriété (part non réservée aux enfants).
En présence d'enfants d'une précédente union
Sans donation, le conjoint est limité à :
- 1/4 de la succession en pleine propriété. Le droit d'usufruit « saute », et cette obligation de recourir au quart de la pleine propriété n'est pas très protecteur.
Avec une donation, ses options s'élargissent pour retrouver la réception de l'usufruit comme en présence d'enfants communs :
- l'usufruit de tous les biens (usage et revenus) ;
- 1/4 en pleine propriété et 3/4 en usufruit ;
- la quotité disponible en pleine propriété (part non réservée aux enfants).
En l'absence d'enfants et/ou parents
Et pour les couples qui n’ont pas d’enfant(s), avec les parents du défunt disparus ? La donation au dernier vivant ne change rien à ce que propose la loi. La totalité des biens sont légués au conjoint survivant
Et si les parents du défunt sont encore en vie ? Chaque parent vivant a droit à 1/4 de la succession. La donation au dernier vivant prend alors ici tout son sens, pour éviter une situation d'indivision entre conjoint survivant et beaux parent(s).
Le conjoint survivant n'a pas à choisir immédiatement l'option qui lui convient. Il exercera son choix au moment du décès, par une « déclaration d'option ». Cette flexibilité permet d'adapter la solution à sa situation financière et personnelle du moment.
Comme on le voit, si le régime matrimonial organise la vie patrimoniale pendant le mariage, la donation au dernier vivant intervient uniquement au décès. Ces dispositifs peuvent se cumuler pour une protection optimale. Sachez toutefois que la donation ne modifie pas les règles du régime matrimonial. Elle intervient après la liquidation du régime matrimonial. Ainsi, le calcul des droits du conjoint survivant se fait en 2 temps : d'abord selon le régime matrimonial, puis selon la donation.
Le formalisme de la donation entre époux
La donation entre époux est centrale si vous souhaitez réaliser une bonne planification de la transmission de votre patrimoine et que vous êtes marié(e). Cette disposition permet en effet à un époux de transmettre, de son vivant, une part plus importante de son patrimoine à son conjoint que ce que prévoit la loi. C’est là tout l’intérêt de faire cet effort d’anticipation ! Mais cette disposition particulière ne prendra effet qu'au décès du premier époux, tout en restant révocable jusqu'à ce moment (voir ci-après comment annuler une donation entre époux).
Pour mettre en place cette protection, les époux doivent obligatoirement passer devant un notaire qui établira un acte authentique. Cette formalité, dont le coût avoisine les 140 € (135,84 € TTC pour l'établissement de l'acte de donation précisément), garantit la validité juridique de la donation et permet un conseil personnalisé adapté à la situation familiale et patrimoniale du couple.
La force de la donation entre époux réside dans sa flexibilité, offrant 4 options principales au conjoint survivant.
1. L’option « tout usufruit »
L'option « tout en usufruit » constitue une première possibilité particulièrement adaptée aux couples souhaitant maintenir le niveau de vie du survivant. Dans cette configuration, l'époux survivant obtient l'usufruit des biens, tandis que les héritiers (généralement les enfants) reçoivent la nue-propriété, permettant ainsi au conjoint survivant de jouir des biens et d'en percevoir les revenus sa vie durant.
Cette option permet au conjoint survivant, qui bénéficie déjà du droit d'occupation du logement du couple en vertu de l'article 763 du Code civil, d'en obtenir le plein usage (pas la pleine propriété). Les enfants deviennent nu-propriétaires mais l’époux survivant peut décider de mettre le bien en location (par exemple pour financer un passage en maison de retraite) et il peut aussi utiliser les comptes bancaires, et même percevoir les revenus des produits d'épargne du conjoint disparu. C’est la solution pour ne pas faire baisser son niveau de vie.
2. L’option « mixte »
L'option « mixte » propose une solution équilibrée en accordant au conjoint survivant un quart de l'héritage en pleine propriété et les 3/4 restants en usufruit. Cette formule permet de combiner la sécurité d'un patrimoine propre avec les avantages de l'usufruit sur une part importante des biens. D'où le terme « mixte ».
Le conjoint survivant peut en effet décider de vendre sa part héritée en pleine propriété ou peut même effectuer une donation aux enfants. Bref, de la flexibilité !
3. La donation en pleine propriété de la quotité disponible
La troisième option, dite « en pleine propriété de la quotité disponible », offre au conjoint survivant la propriété totale de la part maximale légalement transmissible.
On dit ainsi que le conjoint survivant est totalement autonome face aux autres héritiers. Certes, cette quotité disponible permet d’accéder à une fraction de la succession selon le nombre d’enfants (¼ avec 3 enfants, ⅓ avec 2 enfants, ½ avec 1 enfant) mais la propriété totale sur cette part apporte une vraie liberté.
Concrètement, cette donation peut entraîner des situations de blocage, et amener à une indivision. Il faut en effet dans l’idéal que la succession soit composée d’une variété de biens pour que chaque héritier reçoive la part qui lui revient. À défaut, des compensations financières ou des situations d’indivision vont devoir être mises en place.
4. Le cantonnement
Le cantonnement, quatrième et dernière grande option, introduit une flexibilité supplémentaire en permettant au bénéficiaire de la donation de moduler ses droits selon ses besoins réels au moment du décès.
Cette possibilité d'ajustement permet une optimisation fiscale et successorale particulièrement appréciable. Concrètement, le bénéficiaire peut décider de restreindre ses droits à une fraction de ce qu’il pourrait légitimement obtenir.
Pourquoi faire ce choix de « limiter » la donation ?
- Si le conjoint survivant à déjà des revenus suffisants (comme une retraite confortable) et n’a pas besoin de ce patrimoine.
- En cas de peur de faire face à des difficultés à gérer certains biens spécifiques (une entreprise, des biens immobiliers locatifs).
- Si le bénéficiaire à la volonté de privilégier les autres héritiers.
La mise en place d'une donation entre époux nécessite une réflexion approfondie, prenant en compte non seulement la situation actuelle du couple, mais aussi – comme nous venons de le voir – les perspectives d'évolution patrimoniale et familiale. Cette disposition juridique constitue ainsi un outil précieux pour les couples mariés soucieux d'organiser leur succession de manière réfléchie et équilibrée, en protégeant efficacement le conjoint survivant tout en préservant les intérêts des autres héritiers.
Lancer les démarches pour faire la donation au dernier vivant
La donation au dernier vivant se fait par acte notarié. Ce recours au notaire est obligatoire, il n’est pas possible d’effectuer une donation entre époux sans son intervention.
Les démarches commencent donc en général par un premier rendez-vous préalable en présentiel ou en visioconférence avec le notaire que vous souhaitez solliciter. Parfois gratuit et sans engagement selon l’étude, ce rendez-vous permet de définir vos objectifs et ainsi de déterminer si vous devez signer ou non une donation entre époux. C’est aussi lors de ces échanges que vont être déterminées les options à intégrer et le formalisme concret de votre donation entre époux.
La signature d’une donation entre époux chez un notaire est très simple. Avec son rôle de conseil, il va effectuer pour vous la rédaction mais aussi les démarches pour que tout soit légal. Il va notamment se charger de l’inscription au fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV). Aussi appelé fichier des testaments, il permet de centraliser les informations sur les testaments reçus par les notaires.
Annuler une donation entre époux
La donation au dernier vivant présente une caractéristique fondamentale qui la distingue des autres types de donations : sa révocabilité. Cette particularité est d’ailleurs inscrite dans le Code civil, et permet une exception au principe général de l'irrévocabilité des donations.
Chaque époux conserve la liberté de révoquer unilatéralement la donation qu'il a consentie à son conjoint, et ce à tout moment, sans avoir à justifier sa décision ni à obtenir l'accord de l'autre époux. Cette révocation peut être totale ou partielle et doit être effectuée devant notaire ou par testament. Cette révocation peut être réalisée en toute discrétion, l'époux qui révoque n'ayant pas l'obligation d'en informer son conjoint. Oui, vous avez bien lu, inutile de préciser un motif ni d’informer l’autre époux.
La donation entre époux n'est pas à entrevoir comme un simple acte juridique, mais plutôt comme un précieux outil de protection et de transmission patrimoniale. Sa richesse réside dans sa capacité à s'adapter aux situations familiales complexes : couples avec enfants communs, familles recomposées, configurations patrimoniales variées. Chaque situation étant unique, la mise en place d'une donation entre époux nécessite une expertise pointue. Un accompagnement par un professionnel du droit (notaire, conseiller patrimonial) devient alors essentiel.
Chez S’investir Conseil, nous pouvons vous épauler pour décrypter les options disponibles, anticiper les implications fiscales et familiales et construire une stratégie sur-mesure. Si vous souhaitez sécuriser les intérêts de chaque membre de la famille et, au-delà des aspects techniques, lancer une réflexion profonde sur votre transmission, nous sommes à votre écoute.
Voici en synthèse les atouts et les limites de la donation entre époux, pour vous aider à mieux comprendre cette solution… et savoir si elle est pertinente pour vous !
Avantages | Inconvénients |
Protection renforcée du conjoint survivant | Nécessité de respecter la réserve héréditaire des enfants |
Flexibilité dans le choix des options au décès | Complexité dans le choix de l'option la plus adaptée |
Révocabilité jusqu'au décès du donateur | Possible source de tensions familiales dans les familles recomposées |
Absence de droits de succession entre époux | Coût notarial initial |
Possibilité d'adapter les droits selon les besoins | Obligation de passer devant notaire |
Sécurisation du niveau de vie du survivant | Impact sur les droits des enfants à court terme |
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