Le pacte Dutreil est un outil de transmission d'entreprise individuelle (familiale) ou les sociétés. Nommé d'après l'ancien ministre Renaud Dutreil, il s’agit plus précisément d’un dispositif fiscal introduit en 2003 dont le mécanisme vise à alléger considérablement la charge fiscale lors de la transmission d'une entreprise, que ce soit par donation ou succession.
Définition du pacte Dutreil
Commençons par une définition du pacte Dutreil, et une présentation de ce qu'il apporte comme flexibilité dans le cadre de la transmission d'entreprise.
Le pacte Dutreil est pensé pour accompagner la phase particulière de transmission d'une entreprise, qui est un moment fort pour toutes les personnes intéressées (dirigeants actuels et futurs, associés, etc.). L'objectif du dispositif fiscal est simple : garantir la stabilité et la continuité de l’exploitation en cas de transmission à titre gratuit, via une exonération partielle sur la base taxable.
L'essence même du pacte Dutreil réside dans un engagement de conservation des titres de l'entreprise par les héritiers à qui elle est transmise. En contrepartie de cet engagement, les héritiers ou donataires bénéficient d'une exonération partielle sur la base taxable.
Concrètement, cela se traduit par une réduction de 75 % de la valeur des titres transmis dans l'assiette taxable.
En l'absence de pacte Dutreil, les donations et successions sont soumises aux droits de mutation à titre gratuit (DMTG) selon le barème progressif standard. La tranche marginale d'imposition la plus élevée est alors de 45 % pour la part nette taxable excédant 1 805 677 € (en ligne directe, entre parents et enfants). Avec le pacte Dutreil, seulement 25 % de la valeur des titres sont soumis aux droits de mutation.
En synthèse, sans le pacte Dutreil, on atteint plus rapidement les tranches élevées du barème. Mais avec le pacte Dutreil, au contraire, la réduction de la base taxable permet souvent d'éviter les tranches les plus élevées ou de réduire significativement la part soumise à ces tranches hautes.
Prenons un exemple.
Supposons une transmission de titres d'une valeur de 5 000 000 € en ligne directe à un enfant.
Donation en pleine propriété avec pacte Dutreil | Succession en pleine propriété sans pacte Dutreil | |
Actif transmis | 5 000 000 € | 5 000 000 € |
Exonération partielle de 75 % | - 3 750 000 € | / |
Base taxable | 1 250 000 € | 5 000 000 € |
Abattement | - 100 000 € | - 100 000 € |
Base imposable | 1 150 000 € | 4 900 000 € |
Droits bruts | 312 678 € | 1 967 394 € |
Réduction de droits (50 %) | - 156 339 € | / |
Droits nets | 156 339 € | 1 967 394 € |
Taux effectif d'imposition | 3,12 % | 39,35 % |
Ces chiffres montrent clairement l'avantage fiscal considérable offert par le pacte Dutreil, réduisant les droits à payer !
En plus de cela, le pacte Dutreil permet de bénéficier d'une réduction de 50 % pour donation avant 70 ans, ce qui permet une réduction drastique des droits de mutation. D'abord, on applique l'abattement de 75 % du pacte Dutreil sur la valeur des titres. Ensuite, on calcule les droits de mutation sur la base taxable réduite. Enfin, on applique la réduction de 50 % sur les droits calculés (voir le tableau ci-dessus). Un autre mécanisme fiscal peut être utilisé, à savoir l’abattement de 100 000 € par parent et par enfant renouvelable tous les 15 ans (cet abattement est appliqué, lui aussi, après l’exonération de 75 %).
Les entreprises concernées par le dispositif Dutreil
Le pacte Dutreil s'adresse aux entreprises individuelles et aux sociétés exerçant des activités commerciales, industrielles, artisanales, agricoles ou libérales. Les activités purement civiles (comme la gestion de patrimoine immobilier ou financier) ne sont pas éligibles isolément.
Ainsi, si l'on s'attarde sur la forme juridique, le pacte Dutreil concerne les sociétés commerciales (SA, SAS, SARL, SNC), les sociétés civiles exerçant une activité opérationnelle, les entreprises individuelles (y compris EIRL), et certains groupements (GFA, GAEC). Les sociétés holdings peuvent également en bénéficier sous certaines conditions.
Certaines sociétés combinant des activités éligibles et non éligibles (par exemple, une activité opérationnelle et la détention d'immeubles de rapport) peuvent être concernées par le pacte Dutreil. Pour cela, l'activité éligible (commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale) doit être prépondérante au sein de la société.
Il n'existe pas de condition de territorialité. En effet, l'entreprise ne doit pas nécessairement avoir son siège social en France, dans l'Union européenne (UE) ou dans l'Espace économique européen (EEE). Il faut en revanche qu'elle soit imposable dans l'Hexagone.
Outre ces conditions propres à la forme juridique de l’entreprise ou encore à son activité, c’est un formalisme bien précis que doit respecter le pacte Dutreil avec des conditions d’engagement des différentes parties.
Vous pouvez accéder aux informations détaillées pour comprendre si votre entreprise est concernée via le document relatif aux transmissions à titre gratuit de parts ou actions de sociétés (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10).
Les conditions de mise en place du dispositif Dutreil
Pour bénéficier de cet avantage fiscal, plusieurs conditions doivent être remplies.
L'engagement collectif ou unilatéral de conservation
Avant de lancer les démarches du pacte Dutreil, les associés ou actionnaires doivent s'engager collectivement à conserver leurs titres pendant au moins 2 ans. Cet engagement doit porter sur une part significative du capital :
- au moins 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote pour les sociétés cotées ;
- ou 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote pour les sociétés non cotées. A minima.
Signé sous seing privé ou par acte authentique, cet engagement doit être enregistré auprès des impôts pour être opposable à l’administration.
Cet engagement collectif est réputé acquis lorsque le défunt ou donateur détenait seul (ou avec son conjoint/partenaire) les seuils requis depuis au moins 2 ans et exerçait une fonction de direction.
Vous le comprenez, pour beaucoup d'entreprises familiales détenues à titre individuel ou en couple, cette notion d'engagement ne pose aucun problème. Elle doit par contre faire l'objet d'un suivi plus précis pour une plus grande entreprise ou un pacte Duteil avec de nombreux associés, intra-familiaux ou non.
Je détaille ci-après cet engagement de conservation collectif en expliquant les t3 formes qu'il peut prendre.
L'engagement individuel de conservation
Suite à la transmission, chaque héritier ou donataire doit s'engager individuellement à conserver les titres reçus pendant 4 ans supplémentaires.
Pour les entreprises individuelles, des conditions spécifiques s'appliquent, notamment la conservation de l'entreprise pendant 4 ans et la poursuite de l'exploitation par un héritier ou donataire pendant 3 ans.
L'exercice d'une fonction de direction
Un des signataires de l'engagement collectif ou l'un des héritiers/donataires doit exercer une fonction de direction dans l'entreprise pendant l'engagement collectif et pendant les 3 ans suivant la transmission. Cette condition vise à assurer une continuité dans la gestion de l'entreprise.
Le non-respect des engagements pris dans le cadre du pacte Dutreil n'est pas sans conséquence. Il entraîne la remise en cause de l'exonération partielle, avec application d'intérêts de retard. Il est donc recommandé de bien comprendre et de respecter scrupuleusement les conditions du pacte, sous peine de recadrage fiscal.
La mise en place d'un pacte Dutreil
Comme nous venons de le voir, le dispositif Dutreil repose sur un principe fondamental : l'établissement d'un engagement collectif de conservation des titres qui font l'objet de la transmission. Cet engagement doit être maintenu pour une période d'au moins 2 ans, impliquant le donateur ou le défunt (de cujus) ainsi que ses associés.
Cette exigence peut être satisfaite de 3 manières distinctes, chacune adaptée à des circonstances particulières : l'engagement écrit (signé), l'engagement réputé acquis et enfin l’engagement post-mortem.
Pacte signé
Le pacte Dutreil signé est la forme classique de l'engagement. Les associés ou actionnaires signent formellement un engagement collectif de conservation des titres de la société. Ce pacte doit être enregistré auprès de l'administration fiscale pour être valable. Il offre une grande flexibilité, permettant aux signataires de définir précisément les modalités de l'engagement, comme sa durée ou les conditions de sa reconduction.
Cette option est particulièrement adaptée aux situations où une planification détaillée de la transmission est souhaitée.
Pacte réputé acquis
Le pacte réputé acquis est une alternative au pacte signé, offrant une simplification administrative. Il s'applique automatiquement lorsque certaines conditions sont remplies, notamment si un associé ou actionnaire détient, seul ou avec son conjoint ou partenaire de PACS, un pourcentage minimum du capital (20 % pour les sociétés cotées, 34 % pour les non cotées) depuis au moins 2 ans.
Cette option est particulièrement utile pour les entreprises familiales où les conditions de détention sont déjà réunies, évitant ainsi la nécessité d'une démarche formelle de signature.
Pacte post mortem
Le pacte post mortem est une disposition spécifique permettant aux héritiers, donataires ou légataires de conclure un engagement collectif de conservation dans les 6 mois suivant le décès du dirigeant. Cette option permet de bénéficier des avantages fiscaux du pacte Dutreil même si aucun engagement n'avait été pris du vivant du chef d'entreprise.
C'est une solution de dernière minute qui peut s'avérer précieuse pour les familles n'ayant pas anticipé la transmission, leur permettant de profiter de l'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit.
Ces 3 types d’engagement du pacte Dutreil sont adaptés à différentes situations de transmission d'entreprise, permettant une optimisation fiscale tout en assurant la pérennité de l'entreprise familiale.
En conclusion, le pacte Dutreil représente un outil fiscal puissant pour la transmission d'entreprises (notamment familiales), offrant des avantages pour réduire les droits de mutation. Cependant, la mise en place et le respect des conditions du pacte Dutreil peuvent s'avérer complexes. Chaque situation est unique et mérite une analyse approfondie pour maximiser les bénéfices attendus.
C'est pourquoi je vous recommande de vous faire accompagner dans ce montage. Chez S'investir, nous pouvons vous conseiller et vous aider avec un accompagnement personnalisé pour optimiser la transmission de votre entreprise et gérer son patrimoine. Vous avez des questions ? Vous souhaitez mettre en place une stratégie sur mesure, adaptée à votre situation ? Contactez-nous !