Que l’on ait été salarié ou indépendant au cours de sa vie active, voire les deux, arrive le jour où le travail est derrière nous. La gestion des finances personnelles, quant à elle, ne s’arrête pas pour autant. Si nos revenus nous le permettent, l’investissement peut continuer. Tour d’horizon.
Avant d'investir à la retraite : analyser sa situation
A 65 ans, considérons que le 1er jour de la retraite est aujourd’hui. Au terme d’années de travail et d’épargne, est enfin venu le moment de pouvoir en profiter. A savoir, de ce que l’on a placé en vue de cette phase de la vie. Assurance-vie, PEA, PER, compte-titres ordinaire, ou d’anciens dispositifs retraite antérieurs au PER, sont toutes des enveloppes fiscales pouvant convenir à cet objectif.
➡️ Si l’on s’y est pris suffisamment tôt, les intérêts composés ont pu jouer à plein, durant au moins 25 ans. C’était la phase de capitalisation. Place désormais à celle de la consommation, ou tout du moins, en partie. Comme au cours de la vie active, les situations financières des gens à la retraite sont très disparates. La 1ère étape est toujours la même en matière de finances personnelles : que veut-on faire de son argent ? A partir des projets identifiés, il devient alors possible de concevoir une stratégie pour tenter de les concrétiser.
Investissement à la retraite : conjuguer retraite par répartition et par capitalisation
📌 Mise en place en 1946 (au sortir de la Seconde Guerre mondiale), le retraite par répartition assurait un équilibre tenable durant des décennies. Le principe : les actifs cotisent pour les retraités, et ainsi de suite au fil des générations. Mais depuis quelques années, ce modèle arrive à bout de souffle, en raison de la baisse du ratio « actifs / retraités », soit un manque d’actifs pour trop de retraités.
Pour cette raison, les Français sont vivement encouragés à se constituer une retraite par capitalisation, afin de compléter ou remplacer celle de l’Etat. C’est-à-dire épargner durant sa vie active pour sa propre retraite, et non pour celle d’une autre personne. Le PER est une enveloppe fiscale particulièrement adaptée à cet usage, à condition d’avoir un certain niveau de revenus en phase active. A savoir une tranche marginale d’imposition (TMI) d’au moins 30 % (voir article PER ci-dessus).
Placer son argent à la retraite : épargne de précaution
En phase active, les aléas de la vie nous confrontent régulièrement à des dépenses imprévues. L’épargne de précaution, environ 3 à 6 mois de revenus, doit être très liquide (disponible) pour y faire face. Un Livret A ou un LDDS peuvent en recevoir une partie ou la totalité. Ce besoin est toujours présent à la retraite, auquel peuvent s’ajouter des dépenses de santé parfois conséquentes. Argument qui peut être en faveur d’une épargne de précaution plus généreuse.
Investissement pour les retraités : anticiper sa succession
Certains retraités ont du mal à assumer financièrement leur quotidien. D’autres sont plus à l’aise, sans toutefois disposer des moyens nécessaires pour léguer un héritage. Mais si le capital nous le permet, penser aux enfants, aux petits-enfants (ou aux associations) permet d’aider financièrement des personnes qui nous sont chères.
Investir à la retraite : étude de cas
Pour illustrer ces propos, étudions ce que pourrait être un cas concret d’investissement, une fois à la retraite.
Investir en étant retraité : situation d'un salarié au 1er jour de la retraite
✅ Imaginons Paul, 65 ans, au 1er jour de sa retraite de salarié. Il est séparé, père de 2 enfants, et grand-père de 3 petits-enfants. Il reçoit chaque mois 1 500 € au titre de sa pension versée par l’Etat.
De plus, son employeur avait mis en place un Article 83 pour tous les salariés de l’entreprise. Cet ancien dispositif de retraite comprend 2 types de versements : ceux de l’employé et ceux de l’employeur. Seuls ces derniers ont alimenté le contrat de Paul. Ils ont donc intégré le compartiment catégoriel du PER (sortie en rente uniquement). Celui-ci lui rapporte 1 000 € de plus par mois. Sa résidence principale a depuis peu été totalement remboursée. Aucun loyer n’est donc pas à prévoir pour le logement.
Le patrimoine de Paul se décompose comme suit :
- une maison estimée à 300 000 € ;
- 60 000 € sur une assurance-vie (50 % fonds euros et 50 % actions);
- 50 000 € sur son PEA ;
- 12 000 € sur son Livret A ;
- 10 000 € sur son compte courant.
Soit un patrimoine total de 432 000 €. Aucune dette ne figurant dans cette liste, Paul n’a que des actifs (pas de passif). Son patrimoine net liquide (immédiatement mobilisable), qui exclut la maison, est de 132 000 €. Sa rente mensuelle totale nette est de 1 500 + 1 000 = 2 500 €. Analysons ce que pourrait faire Paul avec ce patrimoine.
Investir une fois à la retraite : objectifs et stratégie
Que l’on soit en phase active ou à la retraite, prendre le temps d’analyser ses projets de vie fait partie des bonnes pratiques. L’épargne de précaution, déjà abordée plus haut, est un coussin de sécurité qui devrait nous suivre toute notre vie. Sans projet à court terme, les 22 000 € répartis entre son Livret A et son compte courant constituent cette épargne. Elle est assez importante, ce qui convient bien à Paul, car ce montant le tranquillise.
Pour la suite, Paul pense à ses 2 enfants, de 30 et 35 ans, ainsi qu’à ses 3 petits-enfants. A 65 ans, son espérance de vie est d’environ 15 ans. Puisque ses revenus mensuels ne sont pas contraints par un loyer, il peut allouer une certaine somme à investir chaque mois, sur les 2 300 € perçus.
Bien que des disparités existent au niveau du taux d’épargne des retraités, une valeur de 20 % est assez représentative. Ce qui est légèrement supérieur au taux d’épargne moyen en France, de 17 %. Faisons l’hypothèse que Paul peut épargner, et investir, 500 € par mois (6 000 € par an) pris sur ses revenus. Dans un scenario lambda, il se contenterait de privilégier des placements sans risque. Mais dans ceux qui vont suivre, Paul cherche quelque chose de plus performant, et va puiser dans son patrimoine déjà constitué.
Stratégies d'investissement à la retraite : scénarios possibles
La situation financière de Paul au 1er jour de sa retraite est la suivante :
Etudions 3 scénarios différents.
Paul investit pour ses 2 enfants en légères difficultés financières
Aide durant 2 ans
A 30 et 35 ans, les enfants de Paul rencontrent des difficultés financières en fins de mois. Dans ce scénario, Paul oriente donc une partie de son argent vers ces derniers. Son objectif est de leur verser, chaque mois, 1 000 € à chacun durant 2 ans. Au terme de cette période, il fera un nouveau point financier avec eux, et avisera. Il s’agit donc de verser 2 * 12 000 = 24 000 € sur 2 ans. Cette somme devra être déclarée au fisc, qui autorise un don de chaque parent à chaque enfant, de 100 000 € tous les 15 ans. Ce dernier, appliqué en une seule ou plusieurs fois, n’engendrera aucuns frais de succession (abattement de droit commun).
L’horizon d’un placement désigne la durée au bout de laquelle l’argent est dépensé (totalement ou en partie). 2 seuils couramment utilisés sont 3 et 8 ans :
- horizon de moins de 3 ans, court terme ;
- entre 3 et 8 ans, moyen terme ;
- plus de 8 ans, long terme.
Un horizon de 2 ans place cet objectif de Paul dans la catégorie court terme. Le mieux est de privilégier le Livret A, le LDDS ou un fonds euro d’assurance-vie. La raison est double : la liquidité et la sécurité. Placer de l’argent en 100 % actions sur un horizon aussi court est très incertain : le résultat peut se révéler excellent, moyen, comme très mauvais. Un tel choix ne serait donc pas adapté à cet objectif de court terme.
Assurance-vie et arbitrage
Il existe plusieurs façons pour Paul de concrétiser cette aide à ses enfants. L’une d’entre elles serait d’opérer des retraits mensuels (rachats partiels) de son assurance-vie. Attention à bien obtenir des retraits de 1 000 € nets, et non pas bruts. L’encours actuel du contrat est de 60 000 €, moitié actions et moitié fonds euro. Paul désire maintenir une répartition d’environ 50/50 à la fin de cette aide qu’il concède, et décide d’arbitrer par anticipation. Prévoyant 24 000 € de retraits, les 36 000 € restant sont donc à arbitrer. Soit 18 000 € en actions, et le même montant en fonds euros.
Juste après cet arbitrage, l’encours de son assurance-vie est toujours de 60 000 €, mais l’allocation est désormais comme suit :
Sur un plan fiscalité, concernant les 60 000 €, il faut connaitre la part des versements et celle des plus-values. Paul ayant versé 45 000 € au total sur ce contrat (soit 75 %), les plus-values représentent donc 15 000 € (soit 25 %). Le 1er rachat mensuel sur son contrat sera donc composé de 25 % de plus-values. Pour les rachats suivants, ce poids sera différent car avec le temps, la partie actions fluctuera certainement, et modifiera la part de plus-values.
Aide et fiscalité
Le contrat ayant plus de 8 ans, la fiscalité bénéficie d’un abattement par rapport à un contrat plus jeune. Seuls 17,2 % de la plus-value sont dus au fisc, au lieu de 30 %. Paul doit donc retirer (racheter):
rachat net = rachat brut * (1 – « fiscalité sur les plus-values »), soit :
rachat brut = 2 000 € / (1 – 25 %* 17,2 %) = 2 090 €
Le 1er rachat brut de Paul doit donc s’élever à 2 090 €. L’encours va diminuer d’autant : 60 000 – 2 090 = 57 910 € après ce rachat. En montant net, il obtiendra bien 2 000 €, soit 1 000 € pour chacun de ses 2 fils.
Sur une année complète, Paul aura très certainement dépassé le plafond de 4 600 € d’abattements des plus-values pour une personne seule. La partie des plus-values au-delà de ce plafond sera taxée à 24,2 % au lieu de 17,2 %. Durant 2 ans, les 2 enfants de Paul auront bénéficié d’un bon coup de pouce, en ayant exploité l’abattement fiscal annuel dans cet intervalle.
Paul investit pour ses 3 petits-enfants
Versements sur assurance-vie avant 70 ans
Dans cet autre scénario, l’objectif n’est pas le même. Paul investit pour ses 3 petits-enfants, tous mineurs. L’horizon de placement est de 20 ans, ce qui le catégorise en long terme. Il décide alors d’ouvrir 3 contrats d’assurances-vie (une à chacun).
Le code général des impôts précise un âge critique du souscripteur (Paul) au moment de ses versements : 70 ans.
Si Paul verse sur des assurances-vie avant ses 70 ans (valable donc encore 5 ans), il peut transmettre 152 500 € par bénéficiaire (ici, par petit-enfant). Et ce, sans payer de droits de succession. Ceci s’ajoute à un abattement de 31 865 € renouvelé tous les 15 ans, toujours pour chaque petit-enfant. Ce dernier se fait cependant par donation en ligne directe, hors assurance-vie. Soit un total d’environ 180 000 € transmissible sans fiscalité.
Versements sur assurance-vie après 70 ans et résultats
Après les 70 ans de Paul, l’avantage fiscal de l’assurance-vie perd de sa superbe, mais reste intéressant. L’abattement n’est plus que de 30 500 € pour l’ensemble des bénéficiaires, soit environ 10 200 € par petit-enfant. L’excédent (au-dessus des 30 500 €) sera soumis aux droits de succession. Cependant, les plus-values générées par ces contrats, après les 70 ans de Paul, seront exonérées de droits. Les versements, quant à eux, le resteront néanmoins.
Par conséquent, le plan de Paul est le suivant : maximiser ses versements pour ses petits-enfants entre 65 et 70 ans. Par la suite, diminuer son effort financier :
- de 65 à 69 ans, Paul verse 12 000 € par an, pour l’ensemble de ses 3 petits-enfants;
- puis de 70 à 80 ans, il verse 6 000 € par an.
Avec une hypothèse de performance annualisée de 7 %, voici les encours (versements et plus-values) que cela donnerait :
Ce qui laisserait environ 255 000 € (soit 85 000 € par petit-enfant), avec une fiscalité à la succession adoucie par la bonne utilisation de l’assurance-vie. Comme évoqué plus haut, les versements effectués avant et après l’âge charnière de 70 ans ne sont pas soumis à la même fiscalité. Pour cette raison, il est vivement conseillé d’ouvrir de nouveaux contrats d’assurances-vie en cas de versements à partir de 70 ans.
Paul déménage pour un logement plus petit en centre-ville
Apport suite à une vente immobilière
Dans ce dernier scénario, Paul habite un endroit tranquille mais éloigné d’une grande ville. Par commodité, il préfère vendre sa maison afin de se rapprocher d’une commune plus active, et pouvoir ainsi se déplacer à pied. Il récupère donc 300 000 € de la vente de sa maison, sans fiscalité sur la plus-value, car elle constitue sa résidence principale. Il achète un apparemment à 200 000 €. Ce qui rajoute 100 000 € au patrimoine liquide de Paul.
Il décide alors de se concentrer sur ses petits-enfants (comme dans le 2ème scenario), mais de verser au plus tôt ces 100 000 € suite à la vente. Le plan devient donc :
- à 65 ans, il verse 112 000 € pour l’ensemble de ses 3 petits-enfants ;
- de 66 à 69 ans, 12 000 € par an ;
- puis de 70 à 80 ans, 6 000 € par an.
Résultats
En maintenant la même performance de 7 % annualisée, cela donnerait :
Ici, un peu plus de 550 000 € (environ 183 000 € par petit-enfant) seraient transmis lors de la succession, en limitant la fiscalité.
En bref, nous avons vu que l’investissement reste un vaste sujet, y compris à la retraite. Souvent cantonnée à des placements sécurisés, cette phase de la vie peut néanmoins laisser place à des stratégies plus avancées et rémunératrices. Le point de départ étant toujours le même : prendre le temps de définir ses objectifs financiers.
Elle peut cependant devenir très compliquée : santé, relations mitigées avec ses proches, partage, argent, succession, etc. Les choix des donateurs peuvent se montrer critiques pour les donataires. Afin de recevoir des conseils éclairés et neutres, le cabinet S’investir Conseil propose son expertise, qui couvre également la succession.
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2 réponses
Bonjour,
Un point m’a interpellé quand vous avez énuméré le patrimoine de Paul.
La maison n’est pas un actif mais un passif. À moins qu’il ne loue une partie de la maison.
Robert kiosaki l’explique très bien dans son livre “poor dad, rich dad”.
Sinon très bon exposé. Merci.
Dominique Colson
Bonjour,
Robert Kiyosaki propose une vision très tranchée et manichéenne qui ne s’applique pas toujours en France. Son raisonnement repose sur le modèle américain, où la résidence principale (RP) peut être un poids financier important sans réels avantages fiscaux ou bancaires.
En France, la réalité est différente :
– Un levier pour investir : Posséder une RP permet d’être mieux perçu par les banques, ce qui facilite l’obtention de financements pour investir en immobilier locatif ensuite. Une RP bien gérée peut donc être un tremplin pour bâtir un patrimoine.
– Un avantage fiscal majeur : La plus-value sur la RP est totalement exonérée d’impôt, ce qui en fait une véritable niche fiscale lorsqu’on revend à un prix supérieur à l’achat.
– Un actif selon l’approche : Si elle est bien achetée (prix en dessous du marché, potentiel de valorisation, localisation stratégique), une RP génère de la valeur au fil du temps et peut même rapporter de l’argent in fine. À l’inverse, une RP surpayée ou mal choisie peut effectivement peser sur les finances.
En conclusion, dire que la RP est forcément un passif est une vision réductrice. C’est autant un actif qu’un passif, tout dépend de la manière dont on l’aborde.