Le contexte inflationniste actuel nous entraîne dans un régime de marché inédit et très rapide. L’euphorie sur les marchés financiers a fait place à un sentiment de peur et d’inquiétude. La guerre en Ukraine, la diminution du soutien des banques centrales aux marchés financiers, la baisse des cryptos, etc. y sont aussi pour quelque chose. Ces événements engendrent un autre paradigme en Bourse. En tant qu’investisseur, vous vous demandez comment faire face à ces changements majeurs en Bourse ? Alors, voici tous mes conseils pour vous y préparer.
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Changements majeurs en Bourse : la fin de la suprématie américaine
L’investissement dans les actions chinoises
Récemment, Blackrock, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, a sorti son rapport « Perspectives mondiales 2022 ». Très intéressant, ce document apporte des pistes pour réussir à prospérer malgré les changements majeurs en Bourse actuels. Selon lui, l’inflation pourrait continuer de progresser à des niveaux jamais atteints. Il faudra donc apprendre à vivre avec. Pour contrer ce phénomène, les actions sont un rempart efficace. Blackrock pense notamment aux actions chinoises. Il considère que les investisseurs allouent une fraction trop petite à ce type d’action en comparaison à la croissance économique chinoise dans le monde. Bien que les marchés émergents représentent 85 % de la population mondiale et 60 % du PIB mondial, ils ne représentent que 12 % de la capitalisation boursière mondiale.
L’investissement dans les marchés des pays émergents
D’autre part, à l’instar de cette population qui ne cesse de croître, le PIB des marchés émergents bénéficie d’une hausse supérieure à ceux des marchés développés. Malgré cette dynamique, la part moyenne des marchés émergents dans les portefeuilles des investisseurs américains n’est que de 3 %. À l’inverse, les États-Unis dont la population mondiale n’est que de 5 % et le PIB de 25 % représente 60 % de la capitalisation boursière planétaire. De même, les marchés américains sont plus chers que 98 % des marchés boursiers mondiaux. Cela s’explique par les biais cognitifs dont celui de familiarité. Autrement dit, on a tendance à faire davantage confiance et à surestimer ce que l’on connaît. Ce mode de pensée peut bien évidemment nous pousser à prendre de mauvaises décisions. C’est d’ailleurs ce qui engage les Américains à investir massivement sur les actions américaines. Les Français en font de même en plaçant dans les actions françaises et les Japonais dans les actions nippones, etc. Cependant, cela pose de véritables problèmes de stratégie, de diversification de portefeuille et de gestion du risque. Il en résulte que les pays émergents qui sont 50 % moins chers que les États-Unis en termes de valorisation boursière se retrouvent sous-pondérés par les investisseurs des pays développés. Paradoxal, non ?
Le Cape Ratio de Shiller
Le graphique ci-dessous montre que les États-Unis, dont le CAPE Ratio de Shiller* est de 30, sont les plus élevés. Cette valeur est déterminée en divisant le cours de l’action d’une société par la moyenne des bénéfices de l’entreprise au cours des 10 dernières années, corrigés de l’inflation. Il s’agit donc d’un indicateur qui montre si les investisseurs achètent à un prix élevé ou faible les actions par rapport aux bénéfices produits. D’ailleurs, le CAPE Ratio de Shillerdes actions américaines peut être suivi en ligne.
Cape Ratio de Shiller
*CAPE Ratio :
Indicateur de valorisation des actions inventé par Robert Shiller.
Cours de l’action divisé par la moyenne des bénéfices des dix dernières années.
*Price-To-Book Ratio :
Indicateur de valorisation calculé en prenant le cours de l’action divisé par la valeur comptable de la société.
Vous constatez également que le ratio Price-to-book*, c’est-à-dire les prix des actions par rapport à la valeur comptable des entreprises, est le plus élevé pour le marché américain. Autrement dit, celui-ci est actuellement très cher et beaucoup trop valorisé par rapport aux marchés émergents. Ces derniers sont davantage dans la moyenne historique. Les actions des pays émergents affichent donc des valorisations bien plus attrayantes.
La prime de risque sur les marchés chinois
Après la crise sanitaire, la Chine a connu une solide croissance. Pékin semble privilégier une progression économique durable et de qualité, notamment par des taux obligataires plus élevés que dans les pays développés. Si la Chine adopte un regard politique, commercial et d’investissement long-terme, les pays développés s’enferment parfois dans une vision plus court-termiste, qui pourrait leur faire défaut. Les marchés émergents ne sont donc plus à négliger. Il est certain que ce type d’investissement comporte un risque supplémentaire pour l’investisseur étranger, mais celui-ci est contrecarré par la prime de risque qui peut être rémunératrice. Blackrock l’a calculée. Il a déterminé qu’elle était actuellement autour de 8 % sur les marchés chinois tandis qu’elle oscille autour des 4 % sur les marchés américains.
Prime de risque sur les marchés chinois
Finalement, le danger actuel pour les investisseurs résulte surtout de la fin de la suprématie américaine en bourse. Il faut donc s’attendre à des changements majeurs en Bourse à cette échelle. Attention, si le biais cognitif impacte le comportement des investisseurs, le biais de récence joue également son rôle. On a souvent la fausse croyance de penser que ce qui s’est récemment passé va se reproduire à coup sûr. Pourtant, il semble que les investissements en actions américaines ont atteint leur paroxysme. La prochaine région en vogue pourrait bien être l’Asie ou l’Amérique du Sud. Notez également que dans ce contexte inflationniste, les investisseurs fuient les valeurs de croissances spéculatives pour se réfugier dans les actions values.
Le bouleversement climatique impacte la Bourse
L’impact économique des bouleversements climatiques
Bien qu’elle soit encore trop souvent ignorée, la réalité du changement climatique offre de nouvelles opportunités d’investissement. Pour Blackrock, une économie avec une transition écologique est bien plus prospère que si aucun engagement en ce sens n’est mené. En effet, si aucune mesure significative n’est prise, les conséquences des catastrophes naturelles pour les populations dans des zones à risques seront très dommageables. De même, les pénuries en eau potable et en denrées alimentaires pourraient conduire à un appauvrissement des sociétés. Évidemment, nous souhaitons tous éviter ce genre de scénario, au-delà même du simple impact économique que cela pourrait avoir.
Le graphique ci-dessous permet de mettre en exergue les prévisions du PIB de la Chine jusqu’en 2040. Ici, 2 hypothèses sont présentées : une économie avec une transition verte et une autre où rien n’est fait.
PIB Chine
Les investissements socialement responsables
Par ailleurs, les ISR ou Investissements Socialement Responsables sont très en vogue actuellement. Ils comportent pour la plupart des indices d’actions durables, ISR ou ESG qui surperforment leurs indices parents. Sur 1 an, ils surperforment leurs indices parents de 83 %. Ce taux atteint les 100 % au bout de 3 et 5 ans.
Indices actions durables
Par exemple, l’indice MSCI World ESG Enhanced, basé sur l’indice MSCI World, est conçu pour maximiser l’exposition aux facteurs Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) tout en réduisant l’exposition aux entreprises émettant le plus de dioxyde de carbone ou équivalent. Notez que sa performance est quand même très proche de l’indice parent et que la surperformance n’est pas très élevée. Elle représente seulement 0,38 % par an depuis 2012.
MSCI ESG vs MSCI World
En tout cas, les flux d’investissement se dirigent de plus en plus vers des investissements durables et ESG. En 2021, les flux vers les ETF ESG européens ont atteint 84 milliards d’euros, contre 44 milliards d’euros en 2020 et un faible de 16 milliards d’euros en 2019. Cette tendance pourrait encore s’accélérer.
La persistance du contexte inflationniste sur la Bourse
Cela fait plus de 30 ans que nous rencontrons une inflation modérée en France. Celle-ci n’excède généralement pas les 2 %. Toutefois, nous avons déjà connu des périodes de forte inflation soutenue. Par exemple, dans les années 70, elle avoisinait les 10 % par an. Certains voient le contexte actuel d’inflation comme temporaire. En revanche, d’autres perçoivent un certain goulot d’étranglement de l’offre en services et produits et une flambée des prix des matières premières. Ils constatent également une inflation grandissante, notamment aux États-Unis et en Europe (+7,5 % en mars 2022 sur 12 mois glissants).
Inflation par pays au 22 mars
Je vous expose tous les dangers et les causes de l’inflation dans cette vidéo :
Ce changement pourrait rebattre les cartes des investissements : actions versus obligations, actions growth versus actions value, obligations à taux fixe versus, obligations indexées. En revanche, une chose reste inchangée : le succès de la gestion passive sur la gestion active, même en période de crise économique ou de marchés perturbés.
D’ailleurs, n’hésitez pas à visionner cette vidéo pour connaître les 7 techniques permettant de se prémunir face à l’inflation.
SPIVA fait 2 études statistiques annuelles comparant les fonds professionnels face à leurs indices de référence, qui peuvent facilement être trackés par des ETF. Les résultats sont sans équivoque : plus de 92 % des fonds professionnels sur le S&P 500 ne parviennent pas à battre leur indice de référence sur le long terme.
En bref, il existe des principes de base à appliquer, quelle que soit la situation du marché :
- limiter ses frais au maximum, des intermédiaires, des fonds et de courtage ;
- diversifier largement en possédant autre chose que des actions américaines ;
- être bien préparé en suivant sa stratégie initiale sans errer sur les marchés financiers au feeling ;
- Ne pas oublier le couple rendement-risque en apprenant à gérer la prise de risque pour obtenir les résultats escomptés.
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Matthieu Louvet