Votre argent est-il bien sécurisé en banque ? Qu’adviendrait-il de votre épargne en cas de faillite ? Toutes ces questions légitimes ont été posées au président du Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution (FGDR), Thierry Dissaux.
Lors d’une récente interview avec le dirigeant du FGDR, j’ai eu l’opportunité de plonger dans les coulisses de cette institution ayant pour mission de service public de sécuriser les avoirs des Français, de contribuer à la stabilité du système bancaires et financiers et à la résolution des crises éventuelles.
Dans cet article, je vous dévoile cet échange qui met en lumière les mécanismes de protection et les modes d’intervention du FGDR.
Comment a été créé le FGDR et pourquoi ?
Réponse de Thierry Dissaux : « Le FGDR a été créé par la loi en 1999 et est intervenu la même année à l’occasion d’une crise touchant un établissement bancaire, le Crédit martiniquais.
La mission du Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution est d’être un opérateur de crise bancaire et financière. Nous gérons 4 mécanismes : la garantie des dépôts, la garantie des titres, la garantie des cautions et la garantie des services de gestion. »
L'argent est-il bien sécurisé en banque ?
Réponse de Thierry Dissaux : « Il y a en France environ 1 500 milliards de dépôts dans les banques. Les banques françaises affichent un niveau de solidité sécurisant et rassurant pour les Français. L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) a pour mission de superviser les banques en activité en France. La supervision est aussi européenne et les normes prudentielles, c’est-à-dire les exigences envers les établissements bancaires, ont été relevées assez considérablement depuis la crise financière de 2008.
De manière générale, les banques françaises ont fait des efforts très importants pour consolider leurs fonds propres, même au-delà des normes prudentielles qui leur étaient imposées. Le Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution (FGDR) estun acteur placé au sein du filet de sécurité financière qui comprend l'ACPR, l'Autorité des Marchés Financiers (AMF), la Banque de France, le Trésor (ministère de l’économie et des finances), et nous-mêmes. Et on est là précisément pour parer à toute éventualité et protéger ou indemniser les clients en cas de défaillance d’un établissement bancaire ou financier.
Donc, le FGDR constitue la 2e ligne de défense, si un problème venait à apparaître sur un établissement adhérent au FGDR. Après l’identification du problème par l'ACPR, au FGDR, nous interviendrons en un temps extrêmement court avec cette promesse d’indemniser les déposants à hauteur de 100 000 € pour l’ensemble de leurs comptes, livrets ou plans d’épargne, dans un délai de 7 jours ouvrables. »
Quels placements sont couverts par la garantie des dépôts ?
Réponse de Thierry Dissaux : « Tous les comptes de dépôt sont couverts. Vous additionnez pour chaque client les comptes chèques (ou comptes courants), les comptes ou livrets d’épargne, comme le livret jeune, ou le compte d’épargne logement (CEL) si vous en disposez, les plans d’épargne logement (PEL) et aussi la partie espèce d’un compte-titres. Puis le FGDR calcule le cumul des sommes indemnisables jusqu’à un plafond maximum de 100 000 euros par client et par établissement bancaire. Le compte-titres en tant que tel va être protégé par la garantie des titres du FGDR, si elle est activée. »
Ce qui relève de l’assurance-vie a son propre régime de garantie, qui est géré par un organisme parallèle au nôtre : le Fonds de Garantie des Assurances de Personnes, le FGAP. Si une banque devait tomber en faillite, ce qui n’est pas arrivé en France depuis 1999, les contrats d’assurance-vie ne seraient pas touchés. Ce serait en cas de défaillance de la compagnie d’assurance elle-même qui gère le contrat d’assurance-vie que le FGAP interviendrait en indemnisation des clients de la compagnie d’assurance.
Le livret A, le LDDS et le LEP sont garantis par l’État, car ils font l’objet d’une centralisation partielle ou totale à la Caisse des Dépôts pour contribuer à des financements publics, notamment du logement social. Donc c’est l’État qui les garantit, et nous sommes l’opérateur de cette garantie d’Etat.
Si j’ai plus de 100 000 € de dépôts bancaires, dois-je répartir mon argent dans deux banques ?
Réponse de Thierry Dissaux : « Pour répondre, la première étape est de faire la décomposition que je vous ai retracée tout à l’heure pour s’assurer d’identifier les dépôts qui sont protégés sous le plafond de protection de 100 000 euros. Ensuite, il s’agit d’identifier chaque client qui bénéficie de ce plafond : si vous êtes plusieurs membres dans la famille, chacun va bénéficier de la garantie des dépôts pour ses propres comptes jusqu’à 100 000 euros. Par exemple vous-même, votre conjoint ou conjointe, et aussi chacun de vos enfants.
Ensuite, il est tout aussi important de considérer la qualité des services que la banque propose, la solidité qu’elle présente. Je vous l’ai dit, depuis 1999, il n’y a pas eu de chute d’établissement de crédit en France. La relation que vous avez avec votre conseiller clientèle qui vous connaît, les crédits que vous avez pu contracter, etc. sont aussi à prendre en considération. »
La garantie des 100 000 euros s’adresse-t-elle aussi aux personnes morales ?
Réponse de Thierry Dissaux : « La garantie des dépôts bénéficie à tous les clients, personnes physiques (majeur, mineur, majeur sous tutelle,…) et personnes morales (toutes formes de société, SARL, SA, EURL, associations etc…). Un entrepreneur individuel peut bénéficier d’une double garantie, en identifiant les comptes ouverts à titre personnel, et ceux ouverts au titre de son activité. Il bénéficiera alors d’une garantie jusqu’à 100 000 euros pour son activité professionnelle, et d’une garantie jusqu’à 100 000 euros pour ses comptes et livrets d’épargne personnels. »
Comment être indemnisé par le FGDR en cas de faillite bancaire ?
Réponse de Thierry Dissaux : « C’est une question très importante. En fait, nous avons monté un système d’indemnisation que l’on a voulu le plus fluide et efficace possible en demandant le minimum de choses à faire à la personne à indemniser.
La première chose à faire pour être indemnisé est de s’assurer d’avoir un autre compte sur lequel le FGDR irait verser l’indemnisation. La priorité est donc de disposer d’un compte ouvert dans une autre banque pour recevoir l’indemnisation et y transférer ensuite ses services bancaires habituels (virements, prélèvements etc…).
Quelques jours après la faillite, le FGDR rassemble et traite les données de calcul des indemnisations et ouvre ce que l’on appelle un Espace sécurisé d’indemnisation (l’ESI), c’est-à-dire une plateforme internet sécurisée destinée aux clients de la banque défaillante. Après vérification et authentification des clients, ils vont pouvoir saisir dans cet Espace sécurisé d’indemnisation l’IBAN du compte sur lequel recevoir leur indemnisation. Et c’est terminé ! Il y a seulement à effectuer une démarche d’authentification sur la plateforme sécurisée et ensuite le versement est quasi immédiat. Dans la nuit, le nouveau compte est alimenté par l’indemnisation du FGDR.»
L’État a-t-il un rôle à jouer en cas de faillite d’une banque ?
Réponse de Thierry Dissaux : « Le principe est que le contribuable ne doit pas être appelé dans la gestion des crises bancaires.
Les fonds de garantie des dépôts sont alimentés par les contributions prélevées sur les banques elles-mêmes. C’est donc un système de contribution à part et l’État n’intervient plus.
La 2e chose, c’est qu’au niveau européen ont été mis en place des mécanismes de résolution, avec notamment le Fonds de résolution unique (FRU) au niveau européen, qui est géré par le conseil de résolution unique, c’est-à-dire le CRU, nommé le Single Resolution Board (SRB) en anglais).
Ce sont des mécanismes de traitement d’un établissement de grande taille en difficulté que l’on actionne pour éviter une faillite. Cela permet de préserver les actifs et les services aux clients. Il y a désormais des mécanismes multiples dans la gestion de crise et nous, nous intervenons avant faillite, en intervention préventive, en résolution ou en indemnisation.
Si vous disposez d’un compte en Allemagne, alors il y a lieu de préciser quel est le cas de figure. Soit c’est un compte qui est ouvert dans une banque allemande, en cas de difficulté, c’est le fonds de garantie des dépôts allemand qui doit intervenir. S’il s’agit d’un compte en Allemagne qui est détenu par vous au travers d’une succursale, c’est-à-dire d’une agence commerciale en Allemagne d’une banque agréée en France, alors c’est le FGDR qui intervient, le cas échéant avec le support opérationnel du fonds de garantie allemand.
Le FGDR a-t-il assez de ressources en cas de faillite d’une grosse banque ?
Réponse de Thierry Dissaux : « Le niveau de nos ressources, c’est-à-dire de nos fonds propres fin 2023 est à 7,5 milliards pour la garantie des dépôts. Et le montant des dépôts couverts est à près de1 470 milliards. Est-ce que ces 7,5 milliards sont suffisants pour couvrir les 1 470 milliards en question ? La réponse est oui.
Plusieurs éléments de réponse : les risques sont couverts par plusieurs mécanismes : ces 7,5 milliards sont destinés essentiellement à être utilisés en indemnisation ou à titre préventif sur des banques de taille petite ou moyenne. Mais il existe aussi des modes d’intervention en résolution, avant que l’établissement ne tombe en faillite, quand il s’agit de traiter des banques de très grande taille, que l’on appelle des établissements « systémiques ». .
Il existe désormais au niveau européen, un Fonds de résolution unique, (le FRU) dont le total des ressources accumulées depuis sa création en 2015 est de 80 milliards d’euros. Le FRU couvre toutes les banques françaises, dont les établissements « systémiques ».
S’il y avait des difficultés sur ces établissements, il n’y aurait pas d’intervention en indemnisation. Ce ne seraient pas les 7 milliards de fonds propres du fonds de garantie des dépôts qu’on irait utiliser . Ce serait le mécanisme résolutif qui irait d’abord, internaliser les pertes et les faire supporter par les porteurs de capitaux propres de l’établissement, avant éventuellement de contribuer au redressement financier de l’établissement. »
Quand le FGDR est-il intervenu pour la dernière fois ?
Réponse de Thierry Dissaux : « La dernière opération véritable qu’on ait eu à traiter remonte à 2013 sur la garantie des titres. L’historique de nos actions, est fait d’une intervention préventive en 1999 sur le Crédit martiniquais en garantie des dépôts ; et Mutua-Equipement sur la garantie des cautions la même année. Ensuite, plus rien. Puis on a eu 2 opérations sur la garantie des titres, l’une en indemnisation en 2010 et la seconde en 2013.
Il s’agissait une petite société de Bourse Dubus du nord de la France traitée de manière préventive, c’est-à-dire que le FGDR a apporté une ligne de financement qui a permis de financer la reprise des actifs des clients par un autre opérateur. […] Et ensuite, on a accompagné la fermeture de cet établissement qui n’était plus viable. »
Comment fonctionne la garantie des titres ?
Réponse de Thierry Dissaux : « La garantie des titres, fonctionne assez différemment de la garantie des dépôts. S’agissant des dépôts, les comptes bancaires constituent une créance sur la banque. L’arrêté des comptes à la défaillance nous permet de calculer les moyens facilement cette créance et de l’indemniser dans les 7 jours.
Lorsque vous faites des opérations sur titres à travers votre établissement bancaire, sur votre compte-titres ou bien via une entreprise d’investissement, vous êtes propriétaire de vos titres et il y a effectivement un dépositaire, un conservateur qui en a la garde. Si l’intermédiaire financier, que ce soit la banque ou l’entreprise d’investissement, faisait faillite, vous resteriez propriétaire de vos titres. Ils vous seraient restitués, il vous suffirait ensuite de demander à un nouvel intermédiaire financier de votre choix d’aller récupérer ces titres pour vous auprès du dépositaire et de continuer à gérer votre portefeuille.
La garantie des titres n’est actionnée que dans un cas de figure particulier : si les titres qui sont les vôtres, ont disparu en tout ou partie, et que votre intermédiaire financier ne peut ni vous les restituer ni vous les rembourser. Ce type de cas peut être lié à une fraude ou à un dysfonctionnement informatique grave. C’est donc une garantie qui se déclenche avec un cumul de deux conditions : une disparition des titres et une incapacité financière de l’établissement à les rembourser pour dédommager ses clients. »
Quels conseils donneriez-vous aux épargnants français ?
Réponse de Thierry Dissaux : « Tout d’abord, se renseigner sur la garantie des dépôts. Il est très important de savoir quels sont les produits qui sont garantis, depuis les produits d’assurance-vie jusqu’aux comptes effectivement couverts par nous, ou les livrets garantis par l’État. C’est essentiel.
Ensuite, en cas d’indemnisation, veiller à avoir à disposition un nouveau compte bancaire dans une autre banque.
Puis, un autre message plus général : il y a de plus en plus d’arnaques et de fraudes qui se produisent et qui prospèrent sur les nouveaux vecteurs internet.
Il faut être très méfiant, et s’assurer que vous avez en face de vous un interlocuteur sérieux, et réel.
Il y a des précautions à prendre si l’on vous propose des offres d’épargne ou financières alléchantes. Commencer par aller se renseigner sur le site web du Fonds de garantie des dépôts pour voir si l’établissement concerné est couvert. Puis téléphoner ou contacter par vous-même l’établissement concerné. Ne jamais cliquer sur les liens qu’on vous envoie, ne pas accorder de crédit à quelqu’un qui vous envoie une adresse mail laissant croire qu’il appartient à un établissement connu. Les adresses de courrier électronique peuvent être facilement imitées.
Il faut se méfier dans tous les cas des promesses de taux d’intérêt élevés et de rendements trop attractifs.
Enfin, il est crucial de redire que le FGDR est un opérateur de crise au service des clients du secteur bancaire et financier. Notre mission est de protéger et d’indemniser les clients, et de gérer ces mécanismes de garantie dont ils bénéficient. »
Matthieu Louvet :
Cette interview est terminée. Le FGDR, en tant qu’opérateur de crise au service des clients du secteur bancaire et financier a pour mission d’assurer la stabilité du secteur bancaire et financier et de protéger les intérêts des déposants, même dans les situations difficiles.
Finalement, comprendre les mécanismes de garantie des dépôts et de garantie des titres est essentiel pour tout épargnant soucieux de protéger son patrimoine financier.
Le FGDR demeure un pilier de confiance dans le paysage financier français, prêt à intervenir pour préserver la sécurité des fonds des clients, particuliers et entreprises.
Au public : J’espère que vous avez appris plein de choses et que vous comprendrez mieux comment tout cela fonctionne. Si vous souhaitez en savoir plus sur la garantie des dépôts, et sur les missions du FGDR, vous pouvez consulter leur site internet et accéder à leurs cours en ligne.