Quand on observe ce qui se passe sur les réseaux, on a l’impression qu’obtenir des performances exceptionnelles en Bourse, c’est assez simple. Quand on regarde un petit peu les influenceurs finance, il semble que surperformer le marché est une chose qui se fait plutôt facilement. Ainsi, on voit souvent des gens qui nous disent, j’ai fait mieux que le S&P 500, j’ai battu le marché, mon portefeuille surperforme, j’ai gagné X % en investissant sur une nouvelle pépite.
Vous vous demandez si ces spécialistes de la finance sur le web disent vrai ? Vous vous questionnez quant à ces performances réelles ? Alors, découvrez ce qui se cache vraiment derrière les excellents résultats annoncés par ces influenceurs.
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Influenceurs finance : la transparence sur les performances
Je pense au blog Être Riche et Indépendant, qui malheureusement sousperforme, mais qui est très transparent sur sa performance. Il réalise d’ailleurs une review de sa performance de manière mensuelle. Je dis bravo pour cette démarche, sachant qu’il sous-performe le marché. Il aurait donc très bien pu manipuler ses chiffres pour se mettre en avant et biaiser ses données. Cependant, il a préféré rester honnête et transparent. Et c’est tout à son honneur !
Il existe quelqu’un d’autre aussi qui fait ça et qui s’appelle Focus Bourse qui a surperformé pendant un moment. Malheureusement, il s’est ensuite fait dépasser par le marché.
Il y a également Zone Bourse avec Xavier Delmas, lequel ne craint pas d’affirmer qu’il sous performe le marché malgré son expérience.
En fait, je me suis rendu compte que les gens les plus transparents sous-performent généralement le marché. Tandis que les gens les moins transparents disent toujours qu’ils surperforment le marché.
Alors je me suis demandé s’il n’y avait pas un biais. Est-ce finalement les influenceurs finance qui surperforment le marché et qui sont moins transparents, ne cacheraient-ils pas un petit peu la poussière sur le tapis ? Est-ce qu’ils surperforment réellement dans la réalité ?
Le biais de sélection d’information dans les performances en Bourse
En analysant davantage, on s’aperçoit rapidement que les influenceurs finance qui prétendent surperformer biaisent les données. J’ai déjà entendu l’affirmation suivante : « je superforme, mais depuis 2020. En fait depuis 2016, je sous-performe, mais il faut regarder que depuis 2020 parce que j’ai changé de stratégie. »
C’est clairement un premier biais ici, une forme de biais de cadrage ou de biais de sélection de l’information. On sélectionne ce qui nous arrange finalement.
Les erreurs de mesures sur les performances en Bourse
Il existe aussi les influenceurs finance qui nous disent surperformer, mais qui mesurent mal leur performance. En réalité, mesurer sa performance n’a rien d’évident. Ce n’est pas du tout pour jeter la pierre, mais j’ai récemment fait un live sur la chaîne de Victor Ferry où nous discutions de sa stratégie dividende. Un de ses arguments était de me dire qu’il surperformait le marché. Alors pourquoi pas ! Cependant lorsque je lui ai demandé comment il faisait pour benchmarker sa performance et la comparer au marché, il m’a répondu que c’était très simple. Pour y parvenir, il regardait les ETF dans son portefeuille et ses actions. Ensuite, il constatait ce qui avait le plus augmenté.
Ah ! Mais là ça pose un petit problème de comparaison. En effet, pour vraiment comparer une performance objectivement au marché, il ne suffit pas de regarder ses lignes puisque potentiellement on n’a pas investi dessus au même moment.
Par exemple, si j’investis tous les mois sur mon ETF CAC 40 et que de l’autre côté, j’ai investi seulement en bas de marché juste après la Covid sur l’action Total, alors effectivement il est normal d’avoir un plus grand pourcentage de plus-value sur Total.
Investir chaque mois sur un ETF lors d’un marché haussier nous fait augmenter notre prix de revient sur cet ETF et baisser notre performance absolue sur cette ligne. Donc si ma ligne sur l’action Total Energies est à +20 % de plus-value et mon ETF CAC 40 est à +5 %, on ne peut pas tirer la conclusion que je surperforme le marché avec Total.
Par conséquent, ce qu’il faut faire, c’est une méthode appelée Time Weighted Return ou bien du Money-weighted return. Celle-ci permet de s’assurer d’avoir une performance objectivement comparable à un indice de référence et qui est indépendant des flux de trésorerie, donc de vos versements et de vos retraits. Si votre broker ne le fait pas pour vous, vous devrez sortir un Excel et tout calcul
Le calcul de performances avec effet de levier
Sur internet, j’ai aussi vu des influenceurs finance mesurer leurs performances avec effet de levier. Évidemment, c’est totalement biaisé de prétendre surperformer le marché si vous avez un levier x2 sur vos actions et que vous vous comparez à votre indice sans levier. Avec un effet de levier de X2 pris au début de l’année, vous avez généré +15 % de performance pendant que le marché faisait +10 % : vous avez malheureusement bel et bien sous-performé le marché qui a lui fait +20 % avec un effet de levier X2.
On peut alors se demander quand quelqu’un affirme surperformer le marché, s’il s’agit d’un argument en faveur de sa stratégie ou pas ?
Le 1er biais évoqué revient à ne pas être suffisamment transparent en cachant un peu la poussière sous le tapis de manière consciente ou non.
Le 2e biais relève des erreurs de mesures sur sa performance, laquelle sousperforme en réalité le marché.
Le 3e biais concerne la non-prise en compte des frais d’investissement, des impôts ou autre. Par exemple, si on a des investissements sur compte-titres, qu’on a perçu des dividendes, fait des achats reventes, peut-être qu’on surperforme le marché avant impôt, mais qu’on le sous-performe nettement net de fiscalité. C’est bien le gain net qui compte in fine.
Finalement, pour moi, lorsque quelqu’un me dit qu’il surperforme le marché, ce n’est pas un argument en faveur de sa stratégie. Je pense que les vrais arguments en faveur d’une stratégie sont la présence ou non d’études dessus. En effet, des choses qui montrent par A + B une prime de surperformance et qu’historiquement, ce Premium se retrouve malgré les cycles économiques, malgré les crises et qui semble constant et immuable.
Une stratégie en Bourse qui s’appuie sur des études
Je pense qu’il faut vraiment faire attention aux influenceurs finance qui affirment surperformer et vraiment s’en remettre à des choses bien plus factuelles telles que :
- des études revues par des pairs ;
- des recherches académiques ;
- de la rigueur scientifique ;
- des preuves sur lesquelles il nous est impossible de tricher et sur lesquelles des biais comme des biais de sélection seraient beaucoup moins probables ;
- des choses sur lesquelles on ne peut pas tricher tout simplement.
Je pense notamment aux études de Novy-Marx, James O’Shaughnessy ou Kenneth French et Eugene Fama qui font référence dans le milieu.
C’est pour cela qu’il faut s’attarder sur ces études et que je m’attache à l’Evidence Based Investing, l’investissement basé sur les preuves. En effet, c’est un petit peu le seul repère fiable qu’on a si on ne veut pas avoir des biais et si on ne veut pas tomber dans des stratégies qui sous performent le marché.
Le test de la stratégie sur le long terme
Et puis, si des influenceurs finance nous font constater que leur stratégie fonctionne depuis 2019 et qu’ils surperforment le marché. Finalement, cela reste anecdotique. Ça ne prouve absolument pas que la stratégie marche. Pour s’en assurer, il faut l’avoir testé sur plusieurs cycles économiques. Un backtest sur 5, 10, 15 ans ne suffit pas.
En effet, il est nécessaire de l’avoir testée sur du très long terme afin de voir si elle est résiliente à toutes sortes de conjonctures économiques, de situation de taux d’intérêt et de marchés baissiers. Par exemple, un investisseur qui aurait investi sur les actions américaines de croissance lors des 10 dernières années aurait très probablement surperformé le marché. Ce n’est pas pour autant la même chose sur 50 ans de données.
La vérité est qu’il est facile de raconter qu’une nouvelle stratégie, bien ficelée, fonctionne très bien. Mais, il faut voir si elle ne passe pas à côté de la performance à cause de l’impôt, des frais, du market timing, etc. Les vendeurs de rêve et le storytelling ont encore un bel avenir devant eux.
Le pire de ce qu’on peut entendre se trouve souvent dans les publicités où on nous explique avoir trouvé la nouvelle pépite, le nouveau tesla, le nouveau Bitcoin, qui va rapporter x % par an sur les prochaines années. Évidemment, ne soyons pas dupes, personne ne peut prédire l’avenir.
Les stratégies d’investissement vendu sur Internet
Sur internet, vous pouvez trouver beaucoup de stratégies qui semblent attrayantes et qui vous expliquent comment optimiser vos points d’entrées, par de l’analyse technique, par du DCA plus rationnel, par de l’analyse macro. Cependant, nous devons nous interroger quant à l’efficacité réelle de ces méthodes des influenceurs finance.
La majorité des études démontrent que les stratégies des influenceurs finance, notamment celles basées sur le timing du marché et l’analyse graphique, se révèlent inefficaces, voire nuisibles sur le long terme. Il est tentant de croire que ces approches sont astucieuses et potentiellement lucratives. Pourtant, il est crucial de comprendre que l’analyse technique n’est pas scientifiquement ou académiquement validée. En réalité, les preuves tendent à montrer que ces méthodes échouent plus souvent qu’elles ne réussissent. On sait bien que dans la majorité des cas, votre performance sera plus dégradée qu’augmentée.
Néanmoins, ouvrez Twitter et vous serez submergés par ces stratégies des influenceurs finance. Certains osent même dénigrer les approches éprouvées, comme le DCA ou l’investissement à long terme. Ce sont ces dernières qui ont accumulé le plus de preuves et de faits en leur faveur, mais vous trouverez des gens pour les critiquer.
En fait, les 2 principaux soucis de ces stratégies, c’est que les influenceurs finance sur Twitter ne montreront que des exemples qui ont fonctionné, avec un biais rétrospectif évidemment, d’analyse a posteriori, mais surtout, qu’ils ne mesurent jamais l’impact réel sur la performance.
Les performances passées permettent de mieux gérer ses investissements
Dans l’étude « Why inexperienced investors do not learn » de Glaser et Weber, les chercheurs ont constaté que les investisseurs particuliers ont en fait beaucoup de mal à fournir une évaluation juste de leurs performances passées. Ils ne sont pas en mesure d’estimer correctement leurs propres performances. Ils ont même tendance à les surestimer, leur faisant croire qu’ils ont obtenu de meilleurs résultats que les autres.
Et les chercheurs vont plus loin dans l’analyse en expliquant qu’un investisseur qui ne sait pas bien évaluer ses performances passées ne va pas apprendre de ses erreurs, ne va pas améliorer ses investissements et va continuer à sous-performer. Et on sait que la majorité des particuliers sous-performent le marché, notamment à cause de ce phénomène.
Cette étude met donc en relief une vérité fondamentale pour tout investisseur : l’importance de comprendre ses vraies performances passées pour mieux gérer ses investissements. Si vous ne savez pas bien mesurer vos performances passées, vous vous exposez à un risque redoutable : rester aveugle face à une sous-performance potentielle et ne jamais pouvoir l’éradiquer.
Par conséquent, je me suis interrogé sur ma propre stratégie et mes investissements. J’ai cherché à comprendre comment je faisais pour éviter tous ces biais. Je me suis rendu compte que depuis que je partage l’intégralité de mon portefeuille, chaque investissement, chaque placement, chaque décision financière que je réalise avec les membres de mon programme LBD, je ne peux jamais dissimuler mes échecs. Les membres ont accès à toutes mes positions et je dois assumer toutes mes erreurs si j’en fais.
Car, j’ai effectivement commis une erreur. Au départ, je refusais de l’admettre, je ne voulais pas la voir en face. Cependant, en partageant tout mon patrimoine et mes décisions, j’ai été forcé de faire face à cette erreur, de l’accepter et d’en tirer des leçons. Je me suis dit : « Matthieu, tu as fait une erreur, ok ça arrive, maintenant tu ne dois pas la répéter ». Cela m’a permis de prendre conscience de mes actions et d’améliorer mes stratégies d’investissement.
Cette erreur était d’un élan de spéculation, d’une série de biais cognitifs qui ont influencé mes décisions. Heureusement, l’impact a été minime, représentant moins de 0,25 % de mon patrimoine. Il s’agissait simplement d’un ETF qui avait perdu 70 % de sa valeur. Même si j’étais conscient que c’était une mauvaise décision d’investir dessus à ce moment-là, je l’ai quand même fait et il a reperdu 70 % de sa valeur. Je savais pertinemment que c’était de la spéculation, que théoriquement c’était un mauvais investissement, mais je n’ai pas su résister à cette tentation de profit rapide.
Aujourd’hui, puisque j’ai une communauté qui peut examiner en temps réel mon patrimoine et mes investissements, cette transparence m’oblige à maintenir une discipline qui se révèle finalement très bénéfique pour mes investissements. Donc c’est la manière que j’ai trouvée pour éradiquer ce biais d’autocomplaisance, d’assumer mes décisions et d’être 100 % discipliné. Et mes investissements ne s’en portent que mieux !
En bref, il faut donc faire très attention à ne pas dévier des stratégies éprouvées et à bien mesurer ses performances réelles. Il est très facile de tomber dans des performances médiocres, à cause de toutes sortes de raisons, notamment :
- la recherche de performance rapide ;
- le manque de diversification ;
- les frais ;
- la sous-optimisation fiscale ;
- les biais psychologiques ;
- l’incapacité à s’améliorer notamment par l’incapacité à mesurer ses performances réelles ;
- la suractivité ;
- la tendance à vendre ses titres gagnants et à conserver ses titres perdants.
Je pense que la majorité des influenceurs finance sous-performent le marché parce que tout simplement la majorité des particuliers sous-performent le marché. Attention donc à ne pas tomber dans ces travers.