Vous connaissez les fonds d’investissement ? Ils sont couramment proposés par votre banquier au sein d’une assurance-vie. Vous pouvez y investir votre argent, qui sera géré par des professionnels. Ces fonds sont encadrés par la loi et doivent annoncer leur politique de gestion. Actions européennes dans le secteur de l’énergie, ou bien obligations d’États, ou encore actions asiatiques.
Mais connaissez-vous les hedge funds ? Fonds d’investissement élitistes et opaques, ils font régulièrement la une des médias, souvent dans des affaires de scandales. Levons le voile sur leur fonctionnement.
Qu’est-ce qu’un hedge fund ?
Un hedge fund est un fonds d’investissement
Un fonds d’investissement peut être vu comme un pot commun ouvert aux investisseurs, qui délèguent la gestion de leur argent à des gérants professionnels. Ces derniers ont pour mission de le gérer au mieux, dans le respect de la politique annoncée par ledit fonds.
Si vous investissez sur un fonds actions dans l’univers des grosses entreprises françaises, ce fonds va s’efforcer de vous livrer une bonne performance. Mais pas n’importe comment : les gérants choisiront parmi les titres du CAC 40 uniquement.
Si les gérants identifient une opportunité en Angleterre et sont prêts à miser gros sur leur conviction, ils ne seront pas autorisés à le faire. Les choix tactiques ne sont cependant pas révélés (gestion discrétionnaire).
C’est dans l’objectif de pouvoir gérer librement l’argent des clients, que l’Américain Alfred Winslow Jones a fondé le 1er hedge fund aux États-Unis, en 1949. En Français, ce type de fonds est appelé fonds spéculatif. Quelles différences y a-t-il entre un fonds classique et un hedge fund ?
Un fonds spéculatif cherche une performance indépendante des marchés
En anglais, to hedge signifie « se couvrir ». Il serait tentant d’en déduire qu’un hedge fund est un fonds d’investissement doté d’une politique défensive, prenant peu de risque. C’est le cas pour certains d’entre eux, mais précisément l’opposé pour les autres. Concentrons-nous sur ce 2ème groupe.
En réalité, un tel fonds va chercher à se couvrir des baisses de marchés par tous les moyens. Leur mission : tenter de servir une performance aux clients qui soit meilleure que la moyenne (celle du marché), quelles que soient les conditions. Quand les marchés boursiers montent, charge au fonds de parier sur les futurs champions.
Mais comment générer de la performance si les marchés chutent ? C’est ici que le cœur de métier des hedge funds entre en jeu.
Sur quoi investissent les fonds spéculatifs ?
Les hedge funds : des fonds très libres
Les hedge funds sont libres d’investir sur toutes classes d’actif, sans limitation. Actions, obligations, immobilier, matières premières, crypto, voitures, montres, art… La marge de manœuvre des hedge funds en matière de stratégies se révèle être la plus grande au monde.
Pouvant conduire à des extrêmes, elle peut aboutir au meilleur comme au pire.
Quels investisseurs seraient donc prêts à jouer à ce point avec leur argent ? Les plus riches bien sûr, car leur surface financière ne les cantonne pas à une gestion en bon père de famille.
Dans ce contexte spécifique à haut risques financiers, il convient aux hedge funds de prendre les devants sur le plan juridique. Un statut d’entreprise américain bien spécial répond à ce besoin : « limited partner ». Il confère à l’entreprise concernée la liberté nécessaire à mener sa politique de gestion très libre.
Fonds spéculatifs et produits dérivés
Investir avec levier
Le moyen le plus classique d’investir en Bourse est simplement d’acheter des actions (ou des paniers d’actions, comme les ETF).
Ensuite, il convient de les garder des années, dans l’espoir que leur prix monte. Mais il existe aussi d’autres façons. Parmi les différents produits financiers en Bourse, certains portent le nom de produits dérivés. Prenons un exemple simple : un levier X2, sur l’action Tesla.
Résultat : si cette action monte de 2 % dans la journée, le produit dérivé affichera une performance de 4 % dans le même temps. En cas de baisse, ce coefficient multiplicateur (X2) s’appliquera également. Ce qui en fait un produit financier à double tranchant.
Illustrons les 2 scénarios possibles ci-dessous : cas favorable en vert, et défavorable en rouge.
Parier sur la baisse avec la vente à découvert (short sell)
Un des autres produits dérivés s’appelle la vente à découvert (ou short sell). Il permet à son investisseur de parier sur la baisse d’un titre. Si une baisse de l’action Tesla est pressentie, l’investisseur va emprunter des actions Tesla à son courtier, et les vendre instantanément sur le marché.
Si sa prédiction se révèle correcte, il rachètera les titres à prix cassé pour les rendre au prêteur, et encaissera la différence de prix. Gare aux prévisions qui ne se réalisent pas comme prévu. Le rachat des titres se fera alors à un prix supérieur, en sus des commissions à verser pour leur emprunt.
Voyons les 4 étapes d’une vente à découvert :
Regardons les 2 cas possibles d’une vente à découvert, du point de vue de l’investisseur :
Dans une séquence classique d’investissement, on achète (idéalement à prix bas), pour ensuite vendre (idéalement à prix haut). Avec le short sell, on vise la même chose, mais dans l’ordre inverse. On commence par vendre (à prix haut, après emprunt), puis on rachète (à prix bas, pour rendre).
De façon générale, l’utilisation des produits dérivés amplifiant les risques, l’autorité des marchés financiers (AMF) met en garde les épargnants quant à leur usage. Exemple avec les contrats à terme, dits « futures ».
Exemple de stratégie d’un hedge fund
Considérons désormais une stratégie, couramment utilisé par les hedge funds : long-short. Un hedge fund peut estimer que l’action Microsoft est sous-évaluée par le marché, et va donc monter. Dans le même temps, l’action Tesla est considérée comme surévaluée, et devrait baisser.
Dans cet exemple, le hedge fund va acheter avec des actions Microsoft avec un effet de levier X2 (vu plus haut), tout en faisant de la vente à découvert (short sell) sur Tesla. Si le pari s’avère gagnant, le fonds aura alors gagné sur tous les plans : la hausse de l’action Microsoft, ainsi que la baisse de l’action Tesla ! Si l’inverse se produit (baisse de Microsoft et hausse de Tesla), la perte sera grande. Le scénario intermédiaire est également possible, si par exemple, les 2 actions montent, ou baissent.
Les descriptions ci-dessus ici se basent sur une action. Dans la réalité, la vente à découvert peut porter sur une obligation, une matière première, un indice boursier… tout ce qui est coté en Bourse. Ce qui laisse par conséquent toute latitude à ces gérants, en matière de pari.
Les frais facturés par les fonds spéculatifs
Vient ensuite la grande question : quels sont les frais facturés par ces prestigieux hedge funds ? Le standard est le «2/20 ». À savoir, 2 % de frais de gestion (comme la moyenne des fonds classiques en France), et 20 % de commission de surperformance.
En fonction des hedge funds, ces 20 % s’appliquent sur toute la performance positive, ou bien seulement au-delà d’un seuil défini à l’avance (exemple : 5 % de performance visés, appelé hurdle rate).
Si on investit 1 000 000 $ sur un hedge fund qui génère une performance de 8 % en 1 an, avec cette règle, on obtient :
- 2 % de 1 000 000 $ = 20 000 $ de frais de gestion ;
- Performance de 8 % sur 1 000 000 $ = 80 000 $ de plus-value ;
- Commission de surperformance : 20 % de 80 000 $ = 16 000 $.
À la fin de l’année, les frais payés seront de 36 000 $ (soit 3,6 % sur les 1 000 000 $ initiaux) pour un encours final de 1 044 000 $. Performance nette de frais : 4,4 %.
Sans surprise, les frais rognent fortement la performance, initialement de 8 % avant ceux-ci !
Hedge fund et l’affaire Gamestop
En janvier 2021, les médias s'étaient fait écho de l'affaire Gamestop. Il s'agit d'une chaîne américaine de magasins de jeux vidéo.
Des hedge funds l'avaient identifié comme une entreprise en difficulté. Ces fonds spéculatifs avaient alors décidé de parier sur la baisse du titre en Bourse. Ce qui s'était traduit par une vente à découvert massive (plusieurs milliards de dollars au total).
Hélas pour eux, cette stratégie n’était pas passée inaperçue. Via le forum en ligne Reddit, des investisseurs particuliers s'étaient alliés pour acheter massivement des actions Gamestop, faisant donc augmenter son prix. Ce qui a obligé les spéculateurs à racheter l'action, plus chère qu'au prix où ils l'avaient vendue. Ce mécanisme de garde-fou s'appelle un “short squeeze“.
Sans ce dernier, la dette de ces parieurs perdants pourrait devenir infinie, puisque le prix d'une action peut monter sans limites ! Melvin Capital, un des fonds les plus exposés à l'affaire, a accusé une perte de 2,75 milliards de dollars. C’est le prix à payer quand on fait un pari de forte conviction, avec levier.
Fonds spéculatifs et short sell : efficience des marchés
Des études académiques ont néanmoins confirmé que le short selling participait à la découverte des prix, c’est-à-dire à l’efficience des marchés. Le short selling est-il donc une bonne ou une mauvaise chose ?
La question divise, entre éthique (parier sur une chute d’un titre, ce qui peut accélérer sa descente) et une meilleure justesse de prix (efficience des marchés).
Quoiqu’il en soit, cette stratégie fait véritablement partie de la boite à outils des investisseurs institutionnels.
Dans une moindre mesure, pour les particuliers également, qui peuvent le faire via un compte titre ordinaire. Similairement aux contrats à terme, les investisseurs particuliers sont invités à se tenir à l’écart de ce type de produit dérivé.
Rappelons également qu’au début de la crise du COVID, en mars 2020, de nombreux titres avaient brutalement baissé en Bourse. Citons entre autres : Axa, Renault, Vinci, EDF… En tant que régulateur, l’AMF avait alors interdit la vente à découvert sur les titres les plus impactés. Le but était d’empêcher un effet boule neige, amplifiant encore davantage la chute de ces actions.
Comment investir dans un hedge fund ?
Les clients de ces fonds spéculatifs doivent être accrédités. Comprendre : justifier de 200 000 $ de revenus annuels au minimum, ou d’un patrimoine liquide de 1 million $, hors résidence principale. Un document signé entre le hedge fund et le client impose également une période de blocage.
Durant cette dernière, le client ne peut pas récupérer ses avoirs. Ceci permet au fonds de planifier des investissements plus longs, sans être forcé de vendre des positions sur demande des clients. Les hedge funds exigent donc une illiquidité, à l’inverse des marchés financiers qui montrent une grande liquidité, autorisant des transactions simples et rapides.
De surcroît, les clients sont priés de ne pas exiger une grande transparence sur la gestion. Le statut juridique précité (limited partner) n’impose pas aux hedge funds les mêmes obligations légales qu’aux fonds classiques. Ce qui fait de ces fonds des boites noires, au fonctionnement opaque.
Enfin, même si certains hedge funds se trouvent sur le continent européen, en particulier l’Angleterre, la grande majorité d’entre eux se trouve aux États-Unis.
Pour se consoler, les clients européens pourront se tourner vers des assurances-vie luxembourgeoises. Contrats haut de gamme, à ticket d’entrée élevé (environ 250 000 €).
Quelles sont les performances des hedge funds ?
Performance des fonds spéculatifs face à un portefeuille actions monde
Prenons désormais du recul avec l’index « Credit Suisse Hedge funds », qui suit la performance de ces derniers. Comparons-le à un portefeuille 100 % actions mondialement diversifié, sur la période 1994-2017.
Performance annualisée des hedge funds dans l’intervalle : 7,7 %. Celle du portefeuille actions classique : 9,2 %. Moins volatil, un simple portefeuille 60 % actions et 40 % obligations aurait aussi bien performé que l’indice des hedge funds !
Au terme de ces 24 années, un investissement initial de 1 000 000 $ suivant ces 2 stratégies aurait rapporté respectivement 5,9 millions $ contre 8,3 millions $. Soit 40 % de plus pour le portefeuille actions classique, accessible à tous.
Cependant, ce dernier ne vous distingue pas de la masse, critère important pour ces clients fortunés, prêts à payer cher pour afficher leur statut social.
Ajoutons que les années où les marchés ont souffert, quelques hedge funds ont réussi le pari de protéger leurs clients. Mais ce n’est pas toujours le cas.
Lors de crises notoires (bulle internet en 2000, et subprimes en 2008), l’exploit n’a pas eu lieu. Ces fonds ont alors entraîné leurs clients dans leur chute, en dépit de tous les frais et contraintes précédemment exposés. Périodes où, plus que jamais, les clients auraient préféré rester à l’abris du krach.
Hedge fund : des performances de tous les extrêmes
Prenons maintenant un exemple concret, qui illustre la démesure dont peut faire preuve un hedge fund : le fonds Tiger.
Fondé en 1980 aux États-Unis avec 10 millions $, il affiche une performance annualisée incroyable de 30 % durant les 18 années suivantes ! Pour comparaison, celle du S&P 500 a été de 17,5 % sur la même période. De quoi attirer de nombreux nouveaux clients vers ce hedge fund, qui voulaient tous profiter de cette performance exceptionnelle.
Ce fonds comptait alors 22 milliards $ d’actifs (x 2200 en 18 ans), dont une grande partie provenait de ces nouveaux clients. Puis le fonds s’est mis à mal performer. Seulement 2 ans plus tard, il fit faillite. Malgré une performance finale de 25 % annualisée sur ses 20 ans d’existence, ce fonds aura fait perdre de l’argent à la majorité des clients.
La raison : ces derniers ont investi trop tard sur ce hedge fund, événement qui était impossible à prévoir. Ce qui nous rappelle un adage bien connu en finance : les performances passées ne présagent pas des performances futures.
Malgré tout ceci, les hedge funds continuent d’attirer des clients fortunés. Visiblement, ces derniers veulent toujours plus de performance, ne se satisfaisant pas de celle des marchés financiers.
À la mi-2023, le total des actifs sous gestion des hedge funds dans le monde s’élevait à 5 100 milliards $. À titre de comparaison et en dollars, au 31 mars 2023, la dette de la France s’élevait à 3 100 milliards $. Celle des États-Unis, à 31 000 milliards $.
Quels sont les meilleurs fonds spéculatifs ?
En se basant sur le montant des actifs sous gestion, mesures faites entre début et mi 2023, les 5 plus gros hedge funds sont :
- Citadel (339 milliards $ d’actifs sous gestion) ;
- Bridgewater Associates (196 milliards $) ;
- AQR Capital (120 milliards $) ;
- E Shaw (109 milliards $) ;
- Renaissance (106 milliards $).
Chacun de ces hedge funds opère des stratégies telles que le long-short, décrit plus haut, mais il y en a bien d’autres. Les détails sont bien gardés par ces institutions, qui cherchent toutes à être meilleures que les autres.
Faut-il rajouter des hedge funds à son portefeuille ?
Libre à toute personne suffisamment fortunée de devenir cliente d’un hedge fund. Jusqu’à quel point seriez-vous prêt à risquer vos investissements ? Sachant que la plus grande probabilité serait de faire moins bien qu’un simple ETF World sur le long terme, quelle motivation vous pousserait à franchir le pas ?
Loin de justifier leurs frais et contraintes, les hedge funds continuent néanmoins de convaincre des gens très riches de leur faire confiance. Une étude comparative de leurs performances avec un simple ETF, accessible à tous via les meilleurs contrats d’assurance-vie, le permettent pour une centaine d’euros.
Comme l’avait dit Warren Buffett en 2016, à l’occasion de sa célèbre lettre aux investisseurs de sa société Berkshire Hathaway :
En bref, les sulfureux hedge funds font rêver beaucoup de gens riches. Ces derniers considèrent qu’ils méritent mieux que la performance des marchés financiers. Malgré de hautes barrières à l’entrée et des restrictions lourdes, ces fonds spéculatifs ne tiennent que rarement leurs promesses. La comparaison de leurs performances à celle d’un simple ETF accessible à tous, ignore l’aspect élitiste et désigne froidement le gagnant : l’ETF.
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